L’évènement de l’éveil revêt en
général une nature intellectuelle, au contraire de la réalisation qui
transcende totalement l’intellect. C’est comme une grande lumière
explosant soudainement dans votre esprit, votre conscience, illuminant
tous les coins noirs. C’est au-delà des mots et des concepts, bien que
vous puissiez toujours penser et conceptualiser. Vous avez le sentiment
euphorique de tout savoir, tout en sachant que vous ne savez rien. Vous
éprouvez une délicieuse sensation de puissance. N’importe quoi peut «
déclencher » l’évènement.
Pour moi, ce fut la lecture d’un livre qui,
pour quelque raison, faisait semble-t-il l’affaire, et pour l’évènement,
et pour moi. Soudainement, une connexion se fit, quelque chose se
produisit, et immédiatement « tout » eut un « sens ». Je fus envahi d’un
sentiment presque comique de l’incrédulité du monde et de moi-même.
J’étais pétrifié. Tout ce que je pouvais faire était d’observer les choses
dans un silence stupéfait. Je me vis comme un être unique, fini, debout
sur le « champ » d’une surface noire infinie que j’ai «reconnue » comme la
connaissance infinie. Pour être plus exact, ce sentiment de tout savoir se
révéla, dans cette expérience, comme la potentialité de tout savoir. Je
pouvais me tenir sur n’importe quel point de la surface et chaque point
représentait un peu de connaissance. Je pouvais aller et venir à ma guise
sur cette surface, il n’y avait absolument aucune obstruction, aucun
obstacle. Il n’y avait pas que moi et le champ de connaissance sur lequel
je me tenais. J’ai vu que jamais, à aucun moment, je ne « saurai tout ».
Une telle connaissance, dont je pensais qu’elle serait sans doute vécue
comme un « murmure » infini, n’avait rien d’une possession personnelle
retenue au sein de l’esprit. […] Je ne pense pas pouvoir fidèlement
transmettre ici la sensation de non-obstruction. Avant, la poursuite de la
connaissance et la compréhension des relations entre différents « faits »
avaient toujours été accomplies au prix de nombreux efforts. Cela
ressemblait beaucoup à traverser un marécage où l’on s’enfonce jusqu’aux
genoux. Je pouvais penser et faire diverses connexions, mais la chose
était difficile. Alors que là, en cet instant, j’étais comme un patineur
sur la glace. Il y avait un formidable sentiment de libération de l’effort
que j’avais connu auparavant. La connaissance était comme une totalité
constituée de passages ouverts, qui avait visité mon esprit. Maintenant,
je pouvais traverser ces passages, faire toutes sortes de connexions sans
effort, car j’étais toujours guidé par la connaissance elle-même. J’avais
le sentiment, non pas de traverser un territoire inexploré, mais de
simplement marcher dans des lieux que je connaissais depuis toujours, qui
m’étaient familiers. Je savais que jamais je ne pourrais faire une
mauvaise « connexion », parce que toute la connaissance était reliée à
elle-même. Tout était relié à tout. Tout ne faisait vraiment qu’un.
Le chemin de la foi, Éd. du Relié