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Sokei-An Roshi le monde de la
transcendance
Les gens me demandent parfois : «Sokei-an, vous
qui connaissez le monde de la transcendance, qui y demeurez
continuellement, comment vivez-vous cela ?»
À quoi je réponds :
«J'avais dans les vingt ans quand j'ai pénétré dans le monde de la
transcendance pour ne plus en ressortir, et j'ai assez peu l'expérience de
l'autre monde.
Comment ai-je accédé à la transcendance ? Je vous dirai la vérité : Un
jour, j'ai effacé toutes les représentations de mon esprit. J'ai renoncé à
toutes les convoitises. J'ai écarté tous les mots avec lesquels je
pensais, et mon esprit s'est immobilisé.
Une sensation quelque peu étrange s'est alors emparée de moi - comme si
j'avais été porté quelque part ou que j'avais été mis en contact avec une
puissance inconnue de moi. J'étais venu proche de cet état antérieurement,
j'en avais eu l'expérience à plusieurs reprises, mais chaque fois j'avais
secoué la tète et étais parti en courant. Cette fois-là, je décidai de ne
pas m'en éloigner et, pfft ! j'y fus. Mon corps devint sans frontières.
Naturellement, la peau était toujours là, mais le corps s'étendait
jusqu'aux confins de l'univers.
Je m'éloignai de deux, trois ou quatre mètres, mais restais au centre du
cosmos. Je parlais, mais les mots avaient perdu tout sens. Je voyais les
gens s'approcher de moi, mais tous étaient le même homme, c'est-à-dire
moi-même ! J'avais cru avoir été créé, mais j'ai dû changer d'avis : je
n'ai jamais été créé, je suis le cosmos, il n'existe aucun individu
répondant au nom de Sasaki.
Je me présentai devant mon instructeur. Il me regarda et dit :
«Raconte-moi ta nouvelle expérience, ton entrée dans le monde de la
transcendance». Lui aurais-je répondu, eus-je dit un seul mot, j'aurais
été repoussé de nouveau hors du monde dans lequel je venais de pénétrer.
Je regardai mon instructeur. Il souriait. Lui non plus ne prononça mot...
Une seule clé donne accès au monde de la transcendance. Je ne puis
véhiculer l'expérience en un mot unique, mais peut-être en deux, à savoir
«transe éclatante». Dans cette transe, à la limpidité d'un cristal, l'on
est projeté dans le monde de la transcendance, sans que l'on y prenne
garde. Cela se passe en un clin d'œil ; en un clin d'œil la vision se
transforme du tout au tout.
Alors on comprend pourquoi les hommes construisent des églises, chantent
des hymnes et font des choses singulières
in Shigetsu Sasaki
Sokei-an-Roshi, Sokei-An's Ubertragung lies Zen - traduit en Français dans
Le grand livre des symboles, Éditions Médicis.
Voici une autre version trouvée dans le livre "Après l'extase, la
lessive" (Éditions de La Table Ronde) :
Un jour, j'effaçai toute notion de mon esprit. J'abandonnai tous les
désirs, je rejetai tous les mots avec lesquels je pensais et demeurai dans
la quiétude. Je me sentis un peu bizarre - comme si j'étais emporté vers
quelque chose ou comme si je touchais à quelque pouvoir inconnu de moi...
Ahhh ! J'entrai. Je perdis les limites de mon corps physique. Il y avait
ma peau bien sûr mais j'avais l'impression d'être au centre du cosmos. Je
parlais mais mes mots avaient perdu leur sens. Je vis des gens venir vers
moi mais ils étaient tous identiques. Ils étaient tous moi-même ! Jamais
je n'avais connu ce monde. Je croyais avoir été créé mais maintenant je
devais changer d'avis : je n'avais jamais été créé. J'étais le cosmos ;
aucun individu n'existait.
Et une autre, parue dans "Le petit livre de sagesse zen", de David
Schiller (Éditions Robert Laffont) :
Un jour, je chassai toute notion de mon esprit. Je renonçai à tout désir.
Je rejetai tous les mots avec lesquels je pensais pour demeurer
tranquillement assis. J'éprouvai une étrange sensation - comme si j'étais
porté dans quelque chose, ou comme si je touchais quelque force inconnue
de moi... et pfuit ! j'entrai. Mon corps physique perdit sa limite. Certes
j'avais ma peau, mais j'avais l'impression d'être debout au centre du
cosmos. Je parlais, mais mes mots avaient perdu leur signification. Je
voyais des gens venir à moi, mais ils étaient tous le même homme. Tous
étaient moi ! Je n'avais jamais vu ce monde. J'avais cru à la création,
mais il me faut maintenant changer d'avis : je n'ai jamais été créé; j'éta
is le cosmos ; il n'y a jamais eu de M. Sasaki. �
Un poème de
Sasaki Roshi
Faire l'expérience de zazen,
c'est faire l'expérience de notre liberté profonde.
« Perdre, c'est gagner » dit le Zen.
Est-ce perdre son temps que d'aller s'asseoir
immobile, sans rien faire ?
Perdre, oui, ses repères, ses certitudes, soi-même,
cette recherche incessante et sans espoir de
sécurité, quand, en nous et autour de nous, tout
n'est que mouvement.
Lâcher prise, perdre, tout obtenir : sortir de nos
limites, lâcher la peur.
L'armure tombe; allégresse des premiers rayons de
soleil sur la peau.
Assis au coeur du silence, accepter le changement
et entrer dans la joie. �
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