Fiches cinéma et philosophie   

La Femme de Gilles              de  Frédéric Fonteyne


     Passion et destruction

Sorti en 2004, cela fait déjà trois ans que La femme de Gilles a sauté par la fenêtre de sa petite maison pour rejoindre un monde où la folle pureté de son amour trouverait la complicité du silence… Emmanuelle Devos/Élisa, crédible à faire peur, extraordinaire d’intériorité, offre à Frédéric Fonteyne le supplément d’âme que le classicisme de son film nécessitait. En ouvrier La femme de Gillesbourru néo-Gabin aux prises avec une passion adultère toute charnelle, Clovis Cornillac/Gilles campe le monde des hommes fragiles que les muscles condamnent plus qu’ils ne sauvent. Pour clore le triangle infernal, Laura Smet/Victorine petite sœur d’Élisa donne sa chair et sa jeunesse à un scénario vieux comme le monde, sauf que… L’engagement d’Élisa va au-delà de l’amour, part se perdre dans la passion au sens christique, s’inscrit dans la dévotion. La trivialité de l’objet de cette dévotion – Gilles, un courtaud terrassé par le désir - éclaire quelques pans de l’amour assez peu visités… La sainte se fait alors conseillère, experte en psychologie féminine, sœur du diable qu’elle ne peut pas perdre. L’amour ici tend au martyre détaché, au calcul d’une souffrance qui ne trouvera sa déflagration que plus tard, quand le calme sera revenu… La subtilité du jeu d’Emmanuel Devos, impériale d’humilité, est aussi parfaitement cadrée, éclairée, montée, que le rythme des saisons en adéquation fond/forme du climat de la relation des êtres qui la composent et l’interprètent. L’éloquence du silence préféré aux dialogues bavards fait le reste… Le spectateur est donc convié à une œuvre de vie plutôt qu’à une accumulation d’images, à une descente aux enfers de la folie intime qui ne trouve d’écho que dans la naïveté initiale du couple rêvant d’échapper au chaos de la vie. Ni pathos, ni hystérie, pas plus d’impudeur que de censure, l’alchimie est si rare que le film se fait une petite place définitive dans un recoin de la mémoire intemporelle.

Olivier DAVID, Shanghai 2007

© Philosophie et spiritualité, 2007,


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