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Fiches cinéma et philosophieThelma et LouiseFéminisme et libertéFilm culte, selon l'expression consacrée, ce road-movie des années 90 approche de sa majorité avec une belle intemporalité malgré la typologie vestimentaire, esthétique, des personnages. Ridley Scott sait filmer et raconter une histoire aux clés universelles et populaires, c'est désormais une évidence. Il possède cette qualité narrative d'intégration de l'individu au grand tout, de sublimation du grain de poussière pris dans la tourmente du désert humain. La mutation progressive de Thelma / Geena Davis, notamment via son premier orgasme, est en ce sens exemplaire. Le réveil sonne et la femme se réveille avec une méchante gueule de bois sans avoir jamais bu une goutte d'alcool… A cet instant, sans aucun doute, elle se réveille pour toutes les femmes ! Et le beauf magistral qu'incarne son mari fait certainement mal à l'Amérique du monde entier. C'est probablement lui qui a le moins bien vieilli du film mais il est déterminant dans cette surexposition du particulier qui conquiert facilement le général… La bonne idée du film, c'est Michael Madsen. Le petit ami de Louise / Susan Sarandon échappe au vitriol réservé aux hommes en formant un duo d'âmes sensibles avec Harvey Keitel, le flic improbablement concerné par le sort des deux fugitives. En cela, les louanges enflammées de la gent féminine se reconnaissant enfin dans un film de grande audience sont passées à côté de l'intention du réalisateur qui va au-delà de la défense et illustration de la condition féminine. Grâce au personnage de Michael Madsen, Scott offre une sorte d'A l'est d'Eden à ses deux héroïnes. Elles ne s'affranchissent pas seulement du joug sévèrement burné des mâles à deux balles – bien qu'une lecture du film en première intention le souligne en gras…-, elles rompent radicalement avec le carcan normatif de la société quand bien même celle-ci leur parlerait d'amour, de tendresse et de douceur… L'aspiration à la liberté est fondamentalement unisexe parce qu'au-delà du sexe et de l'amour, un appel qui ignore les hormones de l'individu soudain réquisitionné par la nécessité d'être, tout entier et sans références. Hélas, on arrive à l'inéluctable fin tellement cinégénique… Lors de la traque et de l'assaut final, une présence féminine parfaitement intégrée, complice du régime machiste, aurait grandement ajouté à la crédibilité intellectuelle du projet… Et le grand plongeon romantique enfonce le clou d'un sans issue, d'une terrible réduction des possibles : sois soumise ou meurs… On peine donc à saisir l'enthousiasme féminin pour ce film, sauf à y voir l'expression d'un fatalisme justifiant tous les confortables compromis… Olivier DAVID, Shanghai 2007 © Philosophie et spiritualité, 2007,
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