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Pierre Jovanovic    Le spectacle de la guerre

     Autre apothéose sublime de la Bête Média (avant les avions percutant les tours de New York), la chaîne CNN retransmettant en direct la guerre du golfe sur toutes les chaîne de télévision du monde. Grâce à une caméra montée sur un missile fonçant à 500 km/h on pouvait voir un camion rempli de soldats irakiens, ne doutant de rien s’approcher de plus en lus vite, puis ZZZZ, un écran noir. Vaporisé, transformés en morceaux « façon puzzle » ces pauvres hères, en direct, humiliés et tués devant des centaines de millions de téléspectateurs ébahis par la technologie humaine dernier cri.

                Plus de trois milliards de gens ont été virtuellement placés dans le nez même de ce missile, grâce aux satellites ! Le spectacle le  plus sadique et en même temps le plus fascinant qui ait jamais été donné de voir. « le média est le message » nous répète Mac Luhan. Comment croire en l’éventualité d’un Dieu alors que ces soldats, assis tranquillement dans leur transport de troupes ne pouvaient même pas imaginer une seule seconde que les yeux de trois milliards de téléspectateur comptaient les dernières secondes qui leur restaient à vivre ici-bas ?

                Assister à une tuerie en direct, avec de vrais cadavres, a redéfini pour des milliards de téléspectateur le rapport avec la vie. Trois milliards de personnes les ont regardé mourir avec la vision « d’en haut », leur donnant l’impression, pendant quelques secondes, d’un dieu grec observant le destin des humains comme dans Jason et les Argonautes. Ou bien d’être des Übermenschen, ces surhommes dont raffolait Nietzsche. Ce jour mémorable de 1991, l’homme devint Dieu pour un quart d’heure par média interposés.

                 777, Editions Le jardin des livres p. 95-96.

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