Carl G. Jung    la névrose obsessionnelle


    Un de mes malades, par exemple, eut à seize ans, comme symptôme initial d'une névrose obsessionnelle grave, le rêve suivant : le rêveur se voit suivre une rue inconnue. Il fait noir. Il entend des pas derrière lui qui le suivent. Légèrement inquiet il accélère sa marche. Mais les pas se rapprochent et son angoisse augmente. Il se met à courir. Il a la sensation qu'il va être rejoint. Finalement, il se retourne et voit le diable. Pris d'une horrible peur, il fait un grand saut et reste suspendu dans les airs. Ce rêve se répéta deux fois, comme pour souligner sa grande importance.   

     La névrose obsessionnelle, on le sait, par ses scrupules et son cérémonial contraignant, offre non seulement l'apparence superficielle d'un problème d'ordre moral, mais recèle également intérieurement tout un monde inhumain, fait de criminalité virtuelle et de méchanceté invétérée, contre l'intégration desquelles le reste de la personnalité finement organisée se révolte et se hérisse de façon désespérée.

     C'est précisément à cause de cette lutte que tant de gestes doivent être accomplis avec un rite et un cérémonial « exacts », cette minutie servant en quelque sorte de contrepoids à tout le mal qui gît, menaçant, à l'arrière-plan. C'est après le rêve que nous venons de citer que la névrose commença. Pour l'essentiel, elle consistait en ceci : le malade devait se maintenir, ainsi s'exprimait-il, dans un état « provisoire » de « non-contamination et de pureté », en supprimant ou en rendant « nul et non avenu » tout contact avec le monde et avec tout ce qui rappelait le caractère transitoire de la vie, et cela grâce à des actions propitiatoires follement compliquées, à des cérémonies de purification scrupuleusement conduites et à l'observation anxieuse de préceptes innombrables, dont les complications dépassent la description. Avant même que le malade n'ait eu la moindre idée de l'existence infernale qui l'attendait, son rêve lui montrait que s'il voulait reprendre contact avec la terre il devait conclure un pacte avec le Mal.

    Dialectique du Moi et de l'Inconscient, folio, p. 129-130.

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