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Dominique Laplane le langage et l'intuitionLa connaissance intuitive était identifiée comme la plus haute par les Anciens. Le développement du langage ne faisait que la passer de l'état de pensée à celui d'« image, la reflétant comme en un miroir » (Plotin), permettant de la transmettre, de la fixer et de la rappeler. Platon, déjà, prévenait que « la science ne réside ni dans les sons proférés, ni dans les formes matérielles, mais dans les âmes » (Lettre VII, 342c). Car, d'un certain point de vue, les mots, déjà indices imparfaits de la réalité, sont figés, surtout lorsqu'ils sont écrits. Si la vérité peut se dire, elle n'est jamais tout entière dans le discours dans lequel elle s'exprime. Elle doit aussi se vivre dans l'intériorité de l'âme. Aucun discours, quel qu'il soit, ne saurait s'y substituer. C'est pourquoi on ne comprend que ce que l'on sait déjà par cette pensée sans langage qu'est l'intuition. Pour l'expliquer, Platon invoquait la réminiscence de connaissances acquises au cours de vies antérieures « lorsque l'âme cheminait en compagnie d'un Dieu, quand elle regardait de haut ces choses dont à présent nous disons qu'elles existent ». Si le langage permet l'analyse, il a vocation chez les platoniciens, à se dépasser dans la vision synthétique et intuitive, dans le silence de la contemplation compréhensive. De même, en plein XXe siècle, un Wittgenstein retrouve l'alliance du silence et de la compréhension suprême, incommunicable et indicible. Seul le silence est adéquat à la plénitude du sens ontologique existentiellement éprouvé ( Traccatus logico philosophicus, 7, 1921). L'intuition, selon Varela, est une capacité humaine qui intervient sans cesse dans la vie quotidienne : « en définitive, écrit-il, le poids d'une preuve est son caractère convaincant, l'immédiateté de l'évidence qui s'impose à nous, au-delà de la chaîne du raisonnement symbolique », Penser c'et à dire?, Armand Colin, p. 33, Indications de lecture: Cf. Recherches sur le Langage.
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