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Document :Claude Lévi-Strauss dans la jungle de l'Amazone« Ces Indiens, qui se désignaient eux-mêmes du nom de Mundé, n'avaient jamais été mentionnés dans la littérature ethnographique. Ils parlent une langue joyeuse où les mots se terminent par des syllabes accentuées : zip, zep, pep, zet, tap, kat, soulignant leurs discours comme des coups de cymbales. (…) J'ai passé chez eux une plaisante semaine, car rarement hôtes se sont montrés plus simples, plus patients et plus cordiaux (…). Pourtant, cette aventure commencée dans l'enthousiasme me laissait une impression de vide. J'avais voulu aller jusqu'à l'extrême pointe de la sauvagerie ; n'étais-je pas comblé, chez ces gracieux indigènes que nul n'avait vus avant moi, que personne peut-être ne verrait plus après ? Au terme d'un exaltant parcours, je tenais mes sauvages. Hélas, ils ne l'étaient que trop. Leur existence ne m'ayant été révélée qu'au dernier moment, je n'avais pu leur réserver le temps indispensable pour les connaître. Les ressources mesurées dont je disposais, le délabrement physique où nous nous trouvions mes compagnons et moi-même (…) ne me permettaient qu'une brève école buissonnière au lieu de mois d'études. Ils étaient là, tout prêts à m'enseigner leurs coutumes et leurs croyances et je ne savais pas leur langue. Aussi proches de moi qu'une image dans le miroir, je pouvais les toucher, non les comprendre. Je recevais du même coup ma récompense et mon châtiment. Car n'était-ce pas ma faute et celle de ma profession de croire que des hommes ne sont pas toujours des hommes ? Tristes Tropiques. Indications de lecture: Cf. Introduction à l'anthropologie in Introduction aux Sciecnes humaines.
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