Philosophie et spiritualité


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Bernard Montaud   La pétanque sacrée


    " Il arriva qu'un jour... César se trouvait alors en convalescence chez Jacques après un léger accident de voiture. Et comme il n'était pas homme à se laisser perdre par la futilité de la vie quotidienne, il ne rata pas une occasion d'enflammer chaque instant, même le plus ordinaire, d'une intensité sans concession, renvoyant chacun à la nécessité d'être un vivant plutôt qu'un mourant. Mon Dieu, comme ce fut difficile pour Jacques et ses amis de passage, d'avoir ainsi à transformer la moindre promenade en contemplation, le moindre rangement en un art subtil du « chaque chose à sa juste place » ! Il arriva même qu'une banale fatigue de Jacques exprimée dans un tout petit soupir devienne, le temps d'un repas, un fabuleux mystère à résoudre. Jacques, un peu usé par cette intensité permanente et cette exigeante façon de tout vivre à fond, décida un après-midi de se distraire sans César. Il organisa avec trois amis une partie de pétanque, quelque chose où on se lâche enfin, quelque chose où rien ni personne ne viendrait faire refléter la moindre vérité essentielle ! Ah, mais quand même ! Et la partie commença, assortie de cris et de rires et de tout le cérémonial haut en couleur d'un groupe d'hommes s'amusant un peu. Attiré par ce joyeux tintamarre, César pointa le nez à la fenêtre de sa chambre au moment où l'un des amis dut s'absenter, appelé d'urgence au téléphone par sa femme. Tout naturellement, on proposa à César de le remplacer. « D'accord, lança le vieil homme, mais moi je ne joue pas à moins de mille francs la partie ! » ll y eut un instant de stupeur. Puis un second, pendant lequel chacun mesura la folie de cette situation. Mais pouvait-on refuser quelque chose à César ? Le défi était lancé, chacun dut s'y résoudre, mi-apeuré par l'enjeu, mi-excité par la soudaine gravité de cette nouvelle partie. En un instant l'ambiance changea du tout au tout. Un certain silence s'installa, chaque geste étant pesé avec un sérieux presque religieux. À l'inverse de la première partie, tous essayèrent de se dépasser, rivalisant d'adresse et de précision, au point que la partie devint de plus en plus serrée. Ah, le bougre d'homme, une nouvelle fois il avait réussi à transformer une juvénile cour de récréation en un temple de la concentration, avec un simple enjeu ! César gagna et Jacques perdit, mais quelle importance, ils avaient tous vécu si intensément ! Au moment de l'échange de poignées de main final, César leur lança : - En fait, il suffit simplement d'un bon enjeu pour que le jeu redevienne possible ! N'est-ce pas la même chose dans nos vies, mes petits amis ? Acceptez de perdre beaucoup et vous allez tout y gagner. Allez ! Ce soir, la vie nous offre un bon repas avec les gains Ide cette divine partie... •

©César l'éclaireur. cf. Bernard Montaud Bernard Montaud répond à ses lecteurs sur le site des éditions Editas : editas.fr


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