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Document :Ilya Prigogine le matérialisme de l'antiquité
Épicure fut le premier à dresser les termes du dilemme auquel la physique moderne a conféré le poids de son autorité. Successeur de Démocrite, il imaginait le monde constitué par des atomes en mouvement dans le vide. Il pensait que les atomes tombaient tous avec la même vitesse en suivant des trajets parallèles. Comment pouvaient-ils alors entrer en collision ? Comment la nouveauté, une nouvelle combinaison d'atomes, pouvait-elle apparaître ? Pour Épicure, le problème de la science, de l'intelligibilité de la nature et celui de la destinée des hommes étaient inséparables. Que pouvait signifier la liberté humaine dans le monde déterministe des atomes ? Il écrivait à Ménécée : "Quant au destin, que certains regardent comme le maître de tout, le sage en rit. En effet, mieux vaut encore accepter le mythe sur les dieux que de s'asservir au destin des physiciens. Car le mythe nous laisse l'espoir de nous concilier les dieux par les honneurs que nous leur rendons, tandis que le destin a un caractère de nécessité inexorable". Les physiciens dont parle Épicure ont beau être les philosophes stoïciens cette citation résonne de manière étonnamment moderne ! [...] Mais avons-nous besoin d'une pensée de la nouveauté ? Toute nouveauté n'est-elle pas illusion ? Aussi la question remonte aux origines. Pour Héraclite, tel que l'a compris Popper, "la vérité est d'avoir saisi l'être essentiel de la nature, de l'avoir conçue comme implicitement infinie, comme le processus même". La fin des certitudes, p. 17-18.
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