Luke Rhinehart    L'homme-dé

Editions de l'olivier, 1995. Traduit de l'américain par James du Mourier.

Thèmes : Désir, liberté, psychanalyse


     L'homme-dé raconte l'expérience d'un homme qui, résolu à vaincre tous les déterminismes qui pèsent sur lui, décide de confier ses décisions aux dés. Au fur et à mesure de l'oeuvre, le personnage principal, le docteur en psychanalyse Luke Rhinehart, mène sa dé-vie de façon de plus en plus intensive : il initie sa famille aux dé-cisions et propose à ses patients une dé-thérapie. Laissant une chance de se réaliser au moindre de ses désirs, le Dr Rhinehart observe pour règle d'or de toujours s'en tenir aux verdicts des dés, une fois ceux-ci rendus. Mais jusqu'où le conduira la liberté d'un genre nouveau qu'il pense avoir acquise? Lorsque les dés approuveront son désir de meurtre, la conscience de Luke Rhinehart se réveillera-t-elle?

I Exprimer ses désirs
     En sa qualité de psychanalyste, Luke Rhinehart sait parfaitement que l'homme refoule -consciemment ou non- la plupart de ses désirs afin de ne pas déranger l'ordre social établi. Seuls les désirs compatibles avec la société demeurent en notre esprit comme potentiellement réalisables. L'un des objectifs de l'expérience du personnage sera alors de donner une chance de se réaliser à ces désirs que nous écartons systématiquement sans y porter grande attention. A chacune des six faces du dé, il attribue une option. Le personnage s'impose cependant deux règles : il ne doit pas inscrire d'options qu'il ne souhaiterait pas réaliser et ne doit pas remettre en cause les dé-cisions. Il se réserve aussi la possibilité d'attribuer des chances inégales aux diverses options (Si le dé tombe sur le trois, je quitte ma femme et mes enfants, si c'est un autre chiffre je reposerai la question au dé l'année prochaine). Si Luke Rhinehart veut accorder une chance à tous nos désirs de se réaliser, ce n'est pas son seul objectif ; il désire également laisser s'exprimer toutes les caractéristiques qui sommeillent en nous.

II Une personnalité, des rôles
     Pour le personnage, ce qu'on nomme la personnalité est une limitation révoltante à l'éventail de possibilité qui se trouve dans la nature humaine. Alors que je pourrais étre cruel, généreux, vulgaire, sensible, orgueilleux, philanthrope, mélancolique, méprisant ou encore courrageux je vais m'en tenir à quelques traits de caractère que je vais appeler "ma personnalité". L'homme se sent naturellement capable de jouer une multitude de rôle, il y prend même un certain plaisir que l'on peut remarquer dans l'exercice du théâtre. En jouant aux dés les attitudes qu'il va prendre pour une durée déterminée, l'homme-dé semble avoir réussi à briser le carcan de la personnalité.

"Toute personnalité se résume à une somme énorme de minorité supprimée.. Si un homme n'élaborait pas un système solide de contrôle de ses pulsions, il n'aurait pas de personnalité définissable, il serait imprévisible et anarchique, on pourrait même dire libre"

IV Vaincre la cohérence
     En menant son expérience, Luke Rhinehart refuse la cohérence. Ses actions d'aujourd'hui n'influencerons pas celles de demain, pas plus que celles d'aujourd'hui ne sont liées à celles d'hier. Pére généreux et attentionné un jour, il s'avérera démesurément autoritaire et sévère un autre. Dans chacun de nos choix notre passé s'exprime et oriente nos décisions, si bien que nous subissons des déterminismes sans discontinuité. Pour Luke Rhinehart, en revanche, demain semble réellement un jour nouveau et ouvert à toutes les surprises. L'expérience du psychanalyste a aussi pour but de sortir des schémas communs et des habitudes quotidiennes. Cette volonté d'atteindre l'inédit sera tournée en ridicule par l'épisode où le personnage se rendant compte qu'il était déterminé à aller à son travail à pied, effectue le trajet en rampant.. L'habitude dans le quotidien matériel correspond souvent avec la plus grande efficacité.

V L'illusion de la liberté
     L'homme-dé poursuit l'objectif d'une totale liberté, à l'abri des déterminismes propres aux hommes. Nous pouvons cependant douter qu'il ait atteint un tel objectif. Il a certes réussi à déstructurer son "moi" en confiant ses décisions et ses attitudes aux dés, mais a-t-il réellement acquis une plus grande liberté? Nous pesons chacune des décisions importantes de notre vie et le total détachement de l'homme-dé vis-à-vis des conséquences nous dérangent nécessairement. Pas plus q'elle ne se situe dans la nécessité absolue, la liberté ne se situe pas dans la contingence absolue et nous ne pouvons qu'approuver la réflexion d'un des personnages du livre "C’est la façon dont un homme choisit de se limiter qui détermine son personnage. Un homme sans habitudes, sans cohérence, qui ne se répète pas, donc ne s’ennuie pas, n’est pas humain." D'autre part nous n'envions pas l'homme-dé quand il assiste, indifférent, à la destruction de sa vie familiale et à la ruine de sa carrière professionnel par la faute de son expérience. 

     L'homme-dé soulève de nombreuses questions vis-à-vis de la liberté et du moi. Qu'est-ce qui fait que je suis moi? Ce n'est pas mon physique parce q'uil change. Je suis peut-être mes goûts alors ? Non mes goûts se modifient aussi à mesure que j'évolue. Mes qualités et défauts ne sont pas non plus irréductibles. Si je ne trouve rien de stable en moi, pourquoi ne pas assumer pleinement les fluctuations de mon être?
    

Pauline Raveau

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