Marcel
Aymé Le Décret et La Carte
éditions
Thèmes : temps, destinée
«
Qu'est-ce que en effet que le temps ? Qui saurait en donner
avec aisance et brièveté une explication ? ... Si personne
ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose
la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus. »
Saint Augustin, Confessions, XI, 14, 17
En effet, c’est une bonne question de savoir ce qu’est le Temps. La
philosophie s’intéresse à ce concept mais celui-ci nous reste bien obscure.
Si comme le définit Saint Augustin, il n’est pas simple d’expliquer le
Temps, la littérature vient à notre secours en le décrivant, en nous donnant
à le voir directement.
Les deux nouvelles qui vont être présentées s’attachent à cette notion de
Temps. Marcel Aymé, auteur encore trop souvent oublié, dans les nouvelles
intitulées le décret et la carte dissèque ainsi le temps, cherche à le
figer. Si il place ses écrits dans la période de la seconde guerre mondiale,
c’est bien d’une forme de Science fiction qu’il s’agit.
A) Le Décret
Cette nouvelle commence pendant la seconde guerre mondiale. La France est
occupée par les nazis et une solution est recherchée afin de terminer le
conflit. Les experts en tout genres, scientifiques, philosophes etc, se
rendant compte de la facilité avec laquelle on arrive à avancer le temps
d’une ou deux heures (l’heure d’été) décident d’avancer le Temps de 17
années. On passe ainsi de l’année 1942 à l’année 1959 en un instant. Le
Temps s’est déroulée mais sans qu’il ait été visible. Les individus
continuent leur vie comme si de rien n’était, ayant les souvenirs de choses
qu’ils n’ont finalement pas vraiment vécu. Toutefois, ils s’interrogent sur
la possibilité d’un tel changement de Temps. Ce qui fait la particularité de
la nouvelle tient non dans ce changement de temps mais dans la complexité de
la situation qui suit. Le personnage principal décide alors qu’il est en
1959 (et donc après le décret) d’aller voir un ami longtemps oublié. S’y
rendre est bien difficile et au cours de son périple-en bicyclette- tombe
sous une pluie orageuse et s’évanouit. Il reprend conscience et va se rendre
compte progressivement qu’il est revenu en 1942 et est le seul à connaître
ce qui se passe. Il croit tout d’abord que seul l’endroit où il se trouve
est resté en 1942 (peut-être que le décret n’est pas passé ici). Mais en
cherchant à rentrer à Paris, il se rend compte que les allemands occupent
Paris et donc que tout le temps est revenu en 1942. Lui par contre comprend
tout et qu’il fait et vit par avance. Il a déjà vécu. Il voit se dérouler en
spectateur de sa propre vie un rôle absurde : rejouer son propre vécu.
Le personnage principal ainsi enfermé dans son passé-présent
s’écrie : « Illusion, pensais-je. La Jeunesse qui n’a rien a espérer n’est
pas la jeunesse. Avec ce champ de dix-sept années qui s’ouvre devant moi,
mais dix-sept années déjà explorées, connues, j’ai plus d’expérience que
tous les vieillards de France et de Navarre. Je suis un pauvre vieil homme.
Il n’est pour moi ni lendemain ni hasards. Mon cœur ne battra plus de
l’attente des jours à venir. Je suis un vieux. Me voilà réduit à la triste
condition d’un Dieu. Pendant dix-sept ans, il n’y aura pour moi que des
certitudes. Je ne connaîtrai plus l’espoir »
Au fur et à mesure, il en vient à oublier son passé et
ses souvenirs de ses dix-sept ans à venir. Il finit ainsi par lâcher : « Il
me semble et c’est peut-être une illusion, que ma mémoire de l’avenir est
déjà moins sûre ». B) La Carte
Dans cette seconde nouvelle faisant aussi partie du recueil
intitulé le Passe-muraille, le thème du temps est aussi central. La question
de la possession du temps et ce concrètement est des plus étonnantes.
L’histoire semble se passer pendant la seconde guerre
mondiale. Après le système rationnement de nourriture, de certains biens de
consommations est créé une nouvelle carte pour un nouveau type de
rationnement : le rationnement du Temps. Est créé une carte de temps où
chacun se voit affublé d’une certaine quantité de temps. Certains on ainsi
le droit de vivre complètement, d’autres peuvent vivre 15 jours par mois
tandis que d’autres voient leur vie réduite à quelques jours. Quels sont les
critères de sélection ? C’est l’utilité sociale qui est principalement mise
en avant et sont ainsi considérés comme inutiles, les vieillards, les
artistes en tout genre et même les écrivains au grand dam du personnage
principal…écrivain. Chaque personne après avoir épuisé son quota de temps
disparaît (physiquement : « A minuit sonnant, elle a tout d’un coup senti la
main de son compagnon fondre dans la sienne. Il ne restait plus à côté
d’elle qu’un pyjama vide et un râtelier sur le traversin. ») puis après
cette phase ressuscite.
Se développe alors tout un marché noir du temps, le
plus pauvres cherchant à vendre leurs journées de vie afin de nourrir leurs
familles. Certains arrivent dès lors à vivre jusqu’à 36, 48 voire 66 jours
par mois. L’accaparement des tickets de vie par les riches entraîne un
énorme dérèglement du temps. La carte finit ainsi par être supprimée.
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