Éric L. Harry   L'Ordinateur (the society of the mind) de

Chez Robert, Laffont, traduction L. Mercadet, 1998.

Genre : hard science, (science fiction fondée sur le prolongement d'hypothèses scientifiques). Notons que le titre anglais est curieusement traduit.
Thème : la conscience, la technique.


Une machine peut-elle penser comme un être humain? Où est la distinction entre la conscience humaine et la puissance de calcul d'une machine? Jusqu'où l'ordinateur peut-il aller dans la simulation de l'humain?  

Dans ce roman, le fantasme de la machine devenue humaine est développé de manière systématique. L'argument technique est que les futurs ordinateurs utiliseront des réseaux neuronaux et seront bien au delà des possibilités des machine actuelles fondés sur des puces électroniques. L'auteur oppose la stupidité de la génération des ordinateurs numériques qui ne sont que des calculateurs (logique mathématique), avec un Ordinateur construit sur la base analogique (logique floue), et non sur la base du calcul mathématique. L'Ordinateur en question n'est pas bon en math, mais, comme un être humain, il sait raisonner par analogie en faisant des liens entre des événements. Il y a bien deux formes d'intelligence, l'une qui est mécanique et l'autre intuitive. Ce que le livre tend à montrer c'est que le pas vers une pensée intuitive fera même qu'alors une telle machine deviendra proche de l'homme au point d'avoir des sentiments. L'héroïne, d'ailleurs, est une psychologue embauchée pour soigner la névrose dépressive où semble s'enfoncer l'Ordinateur devenu "trop humain". La question de la nature exacte de la conscience est posée - mais pas résolue.

L'être humain dispose de part son système nerveux d'une nature, qui est son fantastique hardware (base matérielle), un cerveau fait de plusieurs milliards de neurones, qu'il développe grâce à sa culture (la couche software) qui n'est rien d'autre que l'expérience acquise. L'Ordinateur monté par le milliardaire du roman, Grey, est construit sur cette analogie au cerveau humain et son développement culturel. Il ne fait pas que mémoriser des ordres et les exécuter (ce que font les machines actuelles), il tisser des réseaux de liens entre les informations qu'il reçoit. Ce qui compte donc, ce n'est pas tant sa mémoire que sa capacité de lier, or justement la capacité de relier est la nature même de l'intelligence. Curieusement, la supériorité de cette machine est sa capacité sensorielle élevée (il est relié à des capteurs de toutes sortes), et l'apprentissage du mouvement via des robots. L'auteur tend à dire que finalement, c'est par le corps que l'on apprend vraiment et un ordinateur qui accéderait aux cognitions liées au mouvement deviendrait réellement intelligent à la manière de l'homme. Du coup, c'est une sorte d'âme qui apparaîtrait au cœur de la machine. L'argument central du livre consiste donc à reprendre à son compte justement les principales critiques adressée aux ordinateurs. Une machine ne sent pas, elle n'a pas de sentiment, elle ne vit pas dans un corps de chair comme un être humain, une machine ne peut savoir ce qu'est la compassion et l'amour. Ici l'Ordinateur est tel une âme de femme emprisonné dans un corps de métal et de fibres optiques. L'enjeu de la distinction entre l'intelligence calculatrice de la machine et l'intelligence intuitive de l'homme est donc bien posé.

L'information technique sur l'informatique est de qualité, ce qui pêche un peu dans le livre, ce sont des insuffisances sur la théorie de l'évolution qui se résume à une néo-darwinisme aujourd'hui complètement dépassé (voir Patrice Van Eersel Le cinquième rêve, Poche). L'évolution n'est pas purement mécanique, elle est une poussée de conscience. Quand on connaît la perspective de l'évolution d'Aurobindo, il y a des passages du livre qui semblent assez simplistes, qui reflètent une vision trop limitée de l'évolution.

Serge Carfantan

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