Questions et réponses pendant le cours Les fondements du devoir
Hélène Joie Le père qui amène sa fille tous les dimanches à la messe pour son éducation religieuse, mais qui n'a pas la foi, il fait tout de même son devoir pour donner une éducation religieuse à sa fille.
R. Oui, dans le sens strict de Kant, il se fait une obligation et il le fait contre sa propre sensibilité, contre ce qui constituerait la voix de son intérêt personnel. Je ne sais pas franchement si nous devons regarder cela comme admirable. C'est la mentalité du Chameau qui porte la charge dont parle Nietzsche. Ce qui me gène, c'est l'hypocrisie de cette attitude. Si vous n'avez pas la foi, pourquoi chercher à l'inculquer à un autre?
Hélène Joie
Q. Il se dit que c'est son devoir de le faire.
R. Il se l'impose au nom d'une discipline, au nom de sacro-saint principes, mais qui ne lui parlent même pas au niveau du coeur. Je n'aurais rien à redire si c'était sincère. Je reconnais une altitude morale à celui qui suit des principes et s'y tient. C'est tout de même mieux que la complaisance dans le je-m'en-foutisme postmoderne. Cependant, ce genre de moralité n'a pas d'élan. C'est de la moralité statique comme dirait Bergson.
Blanche Konrad Q. Après tout, c'est à chacun de se faire sa morale.
R. Ce genre de formule est à double sens. Le plus souvent, elle revient au relativisme complet : "laissez moi faire ce que je veux et ne venez pas me parler de morale ! Votre morale dit que c'est pas bien de perdre tout son argent au jeu, moi je trouve que c'est bien. On n'a pas la même morale !" Je suis désolé, mais c'est une illusion que de croire que chacun peut baptiser "moral" n'importe quoi, sous prétexte que l'on n'aurait pas le droit de juger.
A ce compte, le pédophile a sa morale aussi.
Hélène Joie Q. Il y a alors un sens moral en nous qui n'est pas celui de la société.
R. Se conformer à ce qui se fait n'est pas une assurance d'intégrité morale. Faire le contraire non plus. Avoir une aspiration à une monde meilleur n'est pas un désir à relativiser.
Xavier Dousset Q. Comment peut-on fonder une morale sur la compassion? J'ai lu qu'avoir de la compassion pour autrui, c'était se réjouir du bien d'autrui et s'affliger du mal d'autrui. Mais comment à partir de la compassion en venir à vouloir le bien d'autrui et à agir pour son bien?
R. Je ne sais pas si la formulation que vous donnez du problème est exacte. Toute morale est fondée sur la compassion en tant que sensibilité à la souffrance. Mais la compassion n'est pas une morale. Elle la précède. Elle rend un être humain pleinement humain. Une morale est fondée en général sur des principes. La compassion n'est pas un "principe". Il ne viendrait à personne de la même manière de voir dans la passion un "principe". La compassion est sympathie originaire qui me rend capable de ressentir une affectivité au-delà de mes limites individuelles. Maintenant, le problème est plus net. Ce qui vient du coeur ne passe pas par la conceptualisation de l'intellect sous forme de principes. C'est une réponse spontanée du coeur. Il y a cet homme assis sur ses cartons, devant une boutique. il claque des dents et me regarde avec son visage défait, suppliant. Je suis traversé par sa souffrance. J'ai un gros pull sous mon blouson. Inutile. "Tu as froid? Tiens, met cela tout de suite. Tu auras plus chaud. Tu en a plus besoin que moi". Inutile de dire merci. Je n'attends rien de toi. Réchauffe toi et trouve un autre endroit ou dormir. Il n'y a pas de "comment" théorique. Pas de "volonté". Pas de calcul. Pas d'exigence. Juste une réponse à un appel ressenti au fond de soi.
Daniel Lamotte
Après la lecture de Krishnamurti, il me semble que Kant
est définitivement mis hors jeu. Le devoir est une structure oppressante. La
moralité selon lui résulte de la perception lucide qui met un ordre
intérieur. Pas de principes. Pas du conformisme qui est vertement dénoncé.
Un être humain lucide ne sera pas asocial et immoral. D'autre part, il faut
cesser de raisonner dans la dualité comme Kant le fait. Étonnant chez
Krishnamurti: l'affirmation selon laquelle en réalité le bien ne s'oppose
pas au mal. L'égocentrisme fait obstacle à la manifestation spontanée de la
bonté.
pour entrer dans la discussion, cliquer sur l'image Avec la participation d'Hélène Joie, de Blanche Konrad, Xavier Dousset.
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