Dialogues et commentaires sur la leçon:
L'hypothèse de l'inconscient


Julien Aranda.
 Quelle est la différence entre psychologie et psychiatrie?

R. Le psychiatre a eu une formation de médecin avant de se spécialiser en psychiatrie. Le psychologue a fait des études de psychologie en fac. Le premier se charge surtout des cas difficiles de pathologie mentale et s'intéresse d'avantage aux causes neurologiques des troubles. C'est aussi celui qui recourt de manière précise à l'emploi des anxiolytiques, anti-dépresseurs etc. Le psychologue s'occupe soit de sélection du personnel (entreprise), soit de thérapie à l'égard de personnes souffrants de troubles (adolescent à problème, problèmes relationnels, dépression). Son champ de travail porte sur la relation et l'écoute.

Maud Dartier
Comment Freud explique-t-il l'apparition des images dans le rêve?

R. Il y a deux aspects : les restes diurnes qui sont des reflets de l'activité de la veille. Ce sont des souvenirs qui reviennent dans le rêve. Nous savons bien que des éléments du rêve sont empruntés à l'expérience de la veille. Le second point, c'est la construction du rêve et de ses images. Disons que Freud met l'accent sur un travail symbolique de l'imagination par lequel le désir va implicitement engendrer une imagerie particulière. cf. nous avons vu  le désir de meurtre de la belle sœur produit l'image du chien blanc, image associée à la belle sœur. 

Camille Dutertre
Q. Pour baser ainsi toute sa théorie sur la sexualité, Freud n'aurait-il pas été lui-même traumatisé dans l'enfance? 

R. Il est évident que la théorie freudienne est très largement autobiographique. Les historiens l'ont montré. Il y a sur l'attachement de Freud à la théorie de la sexualité des pages très intéressante dans le texte de C. G. Jung Ma vie, édition Buchet-Chastel. Ce n'est pas un hasard non plus si la perte de sa fille coïncide avec un changement théorique dans la seconde topique freudienne, où il est question de pulsion de mort et de pulsion de vie. Cependant, cela ne nous intéresse pas vraiment. Ce qui nous importe surtout c'est de discerner les découvertes de Freud, ce qui dans sa doctrine a une valeur universelle, indépendamment de l'individu Freud. 

Marion Boquenet
 Freud explique-t-il le rêve prémonitoire?

R. Il ne l'explique pas. Freud est très méfiant concernant tout ce qui concerne le domaine du spirituel, du paranormal et du religieux. Il a abandonné l'hypnose parce qu'il trouvait qu'elle était par trop "mystique" à son goût. Freud ne s'intéresse qu'à une certaine catégorie de rêve dans lesquels on peut introduire une symbolique rattachée à la sexualité. C'est toute la différence avec C. Gustav Jung qui lui a pris cette question très au sérieux et a proposé une théorie remarquable pour essayer rationnellement d'en rendre, la théorie de la synchronicité des événements.

Aurore Foissac
 A quel moment peut-on savoir si un rêve est prémonitoire ou non? 

R. A question floue réponse floue ! je n'en sais rien ! Tout ce que je remarques, c'est que Jung identifie et analyse avec pertinence certains rêves qui relève de la coïncidence d'événements dans une sorte de résonance. Comment faire la part entre le cauchemar de guerre qui jaillit d'une angoisse diffuse et une anticipation d'évènement? Il y a des cas assez stupéfiants de coïncidence significative.

Blanche Konrad
 Doit-on se méfier de ses rêves? 

R. Il ne s'agit pas de tomber dans la crédulité et de prendre au pied de la lettre les scènes oniriques, d'y chercher une révélation transcendante absolument. Ne tombons pas dans la naïveté. Mieux vaut rester méfiant donc. Voyons ce phénomène, son apparition et en quoi il peut y avoir un enseignement à tirer du rêve. Le rêve peut-être instructif à condition qu'il soit correctement interprété. Les exemples rapportés par Jung dans L'exploration de l'inconscient  (folio) nous montrent une variété assez étonnante d'expériences. 

Nolwen Le Serrec
. Est-ce qu'il est possible de se libérer des nœuds psychiques liés à l'expérience passée?

R. Il est clair dans l'exemple que nous avons pris que les traces du passé sont vivaces. Nous ne pouvons pas éliminer la mémoire, mais il est possible en revanche de guérir un blessure du passé. Tout processus de travail sur soi qui introduit une unité avec soi, qui dénoue la tension intérieure a une valeur pour cela. La cure en psychanalyse consiste à faire remonter le passé pour lui dire "oui" alors que nous avons vécu, tout en gardant au fond de nous un "non" qui refusait, refoulait le passé. Il existe diverses voies d'approche du lâcher-prise. Toutes reviennent à dénouer consciemment ce qui est resté noué inconsciemment. Que l'on travaille sur les postures du corps, sur le souffle, sur les émotions, sur la voix, sur la petite enfance, la relation personnelle, la lucidité au quotidien, etc. on retrouve des noeuds qui peuvent être défaits. Laissons les moyens ouverts et voyons les résultats. Le travail sur soi conduit à une libération. A vous d'en cerner les potentialités, mais c'est évidement une question d'expérience.

Raphaële Delaunay.
Est-ce que le refoulement d'un désir (acte manqué, lapsus révélateur), peut se répercuter sur une action (violence)?

R. Il y a deux points dans cette question. a) Tout d'abord, sur la nature de la violence et sa relation au refoulement. Observez le vous-même, la violence est très liée à la frustration. Dans la mesure où nous gardons par devers nous une rancune contre A ou B et que nous refoulons le désir de nous venger, il est assez clair que de ce refoulement peut s'en suivre un acte de violence quand l'occasion se présentera de rencontrer A ou B et que la maîtrise de soi sera ce jour là affaiblie. b) Le second point est de savoir su le refoulement d'un désir a une incidence sur l'action en général. Quand une intention demeure non-remplie, elle subsiste à un niveau inconscient. Un désir refoulé est une intention dirigée qui est non-remplie. Il ne peut pas exister dans la mémoire de manière neutre, comme une simple idée. Par conséquent, un désir refoulé aura une influence : disons que c'est comme si les pensées du sujet, remontant du fond de son psychisme, se voyaient un moment détournées par un courant avant de paraître à la surface. Il y a une influence subtile de ce qui est refoulé dans les choix, les parti pris, les réactions émotionnelles etc. Tant que la trace est là dans le psychisme, elle agit sur la pensée. Mais cela ne veut pas dire que nous ne puissions pas en avoir conscience.

Marion Mouchès
Q. Les émotions sont-elles forcément liées au passé?

R. Non. Nous l'avons vu, parce qu'il y a une différence entre le sentiment et l'émotion. Ce que nous avons vu, c'est l'analyse des réactions émotionnelles en tant que résurgence des blessures du passé. Ce qui nous a retenu, c'est ce mécanisme par lequel l'inconscient s'inscrit dans la mémoire sous la forme de la traces du passé, trace qui crée en quelque sort une ornière dans laquelle je retombe dans des situations analogues à celles qui m'ont marqué. Mais, le sentiment est bien différent, il n'est pas une ré-action venue d'un passé. Quand, en présence d'une personne malheureuse, je me sens comme envahi par sa détresse, cela se produit au niveau du sentiment. Le sentiment est passif, il est une coloration du cœur dans laquelle je suis en relation d'unité avec ce qui est. Le cœur éprouve la sym-pathie, le pathos qui prend avec soi (sym). Ce n'est pas une sorte de brusque réaction émotionnelle qui me ferait perdre les pédales et me comporter de manière irrationnelle. Les émotions esthétiques, de même, ont un statut à part, elles sont de l'ordre du sentiment. Les émotions instinctives, d'origine purement biologiques sont aussi une catégorie à part : quand je suis attaqué par un chien qui surgit à l'entrée de la maison et que, le cœur battant, je ferme brusquement la porte, ce n'est pas une émotion du type des réactions émotionnelles que nous avons analysé. C'est une réaction réflexe, une réaction de protection liée à la peur et une réaction tout à fait naturelle.

Alice Marvier.
Est-ce que les troubles obsessionnels du comportement sont liés à des événements passé?

R. J'aurais tendance à répondre oui, au sens où il y a certainement un noeud psychique non-résolu dans l'inconscient qui engendre au niveau du comportement ce type d'acte qui relève en un sens de l'acte manqué, mais de l'acte manqué à caractère compulsif, lié à une pensée obsessionnelle. Un article consacré à cette question est présent sur le site dans la section recherche.

Lisa Guerrero.
Les hommes sont conscients de leurs actes, mains inconscients des causes qui les déterminent. Est-ce que cette illusion ne serait pas due au fait que la conscience est partielle et qu'elle n'est pas totale?cf. iceberg.

R. Cette formulation est exactement celle de Spinoza quand il critique l'existence du libre-arbitre. Votre interprétation est correcte. Il y a cependant un problème sous-jacent qui n'est pas résolu. La conscience est essentiellement intentionnelle et la relation cause/effet est plutôt quelque chose qui relève des mécanismes de la Nature. Un homme est motivé par des fins, des raisons, des buts, mais exactement par des "causes". Il vaudrait mieux parler alors de motivations inconscientes, comme le fait Husserl. Voir leçons sur l'essence de la liberté.

Lisa Quillac
Est-ce que les TOC se guérissent totalement et définitivement ou un rappel douloureux du passe peut réenclencher le processus?

R. Il faudrait consulter une psychiatre spécialiste des TOC pour avoir une réponse à votre question. Il en existe. Pour la seconde question par contre, c'est justement une sorte d'évocation du passé dans une pensée inquiète, anxieuse qui fait naître la compulsion. Mais c'est partiel et le sujet ne comprend pas ce qui se passe. Mettre la lumière de conscience et la compréhension dessus change beaucoup.

Emilie Boisson
 Les angoisses que l'on a, mais dont on ne sait pas les causes, viendraient de l'inconscient. Mais ne serait-il pas possible de ramener ces angoisses au conscient, pour comprendre, pour être capable, pour avoir la force de les faire disparaître.

R. Ce qui a été vu en cours montre qu'il ne s'agit pas de "force", pas de lutte avec l'angoisse. Lutter, c'est introduire une opposition et finalement réprimer. La compréhension accueille les choses sans lutter. La lucidité n'introduit ni condamnation, ni approbation, elle éclaire sans juger. Et cela a un effet. L'angoisse au sens où nous l'avons vu, ne tire son empire que de la peur que nous en avons, que du fait qu'elle reste dans l'obscurité. La mettre en lumière éclaire. Le soi est plus puissant que les forces mentales. Rien ne résiste au regard du soi. Regarder sans peur, observer laisse la chose apparaître et se résorber.

Marie Fischer
 L'inconscient collectif serait-il une force intérieure en chaque homme? Si oui, pouvons-nous tirer partie de cette force pour comprendre un peu plus l'inconscient?

R. Je ne vois pas clairement le lien entre l'inconscient collectif et la force intérieure présente en l'homme. Jung parle surtout d'une sorte de mémoire collective dont les suggestions remontent dans des rêves, des contes, des mythes, des formes d'utopie, dans une richesse symbolique que l'art ne cesse de reprendre en son compte. La force intérieure ne me semble pas de l'ordre du collectif, mais d'une invincible cohérence avec Soi.

Marie Fischer
. Est-ce qu'on peut finir par se débarrasser et oublier nos traumatisme passés en les refoulant?

R. Ce que Freud a très bien compris, c'est que le refoulé n'est jamais supprimé pour autant, mais continue à agir à l'insu du sujet conscient. Chacun de nous a son placard à balais intérieur ou il jette tout ce dont il ne veut pas entendre parler, tout en fermant soigneusement la porte. Mais derrière la porte, cela piaille, cela hurle, cela gronde! Refouler ne résout rien.

Lisa Quillac
Est-ce que les traumatismes remontant au plus jeune âge, (quelques mois), peuvent ressurgir plusieurs années après?

R. Oui. Il y a des cas assez stupéfiants. Ronald Laing a soigné un homme qui se sentait toujours écrasé, oppressé. Dans un enregistrement, on le voit discuter directement avec la personne et il lui demande comment s'est passé sa naissance. L'homme répond qu'elle a été très très difficile, il était mal engagé dans le col de l'utérus et il a fallu pratiqué les forceps pour le faire sortir. Cela avait été terrible pour sa mère et lui. On voit sur le visage de cet homme une lueur et il y a un silence. Il est en train de comprendre que son oppression est certainement lié à une naissance où il a été terriblement écrasé et c'est comme si le traumatisme parlait encore dans sa vie présente.

Marie Fischer
Q. Ne peut-on pas dire au fond que le bonheur est lié à la compréhension du Ca, au dialogue non-censuré entre le conscient et l'inconscient? Est-ce qu'il ne tient pas à l'acceptation de tous nos noeuds psychique?

R. Le bonheur non, mais la libération oui.

Lucie Garbage
Q. Y a-t-il un tri des souvenirs?

R. il y a deux formes de tri des souvenirs. Il y a celui qu'effectue spontanément l'état de veille, parce que l'attention à la vie tend à sélectionner seulement les souvenirs utiles en relation avec notre situation d'expérience. Nous avons aussi vu qu'il y a un tri des souvenirs intimement lié à un travail de la censure. Il y a des choses que nous souhaitons oublier, que nous ne voulons pas voir et que nous refoulons inconsciemment. Nous avons pour la plupart notre placard à mauvais souvenirs qu'il ne faut pas ouvrir.

Wanda Saint-Paul
Pouvons-nous toujours comprendre nos réactions?

R. Dans l'ignorance, les réactions sont dites irrationnelles et nous en référons la cause à des facteurs biologiques (fatigue, nervosité ou je ne sais quoi d'autre). Cependant, quand nous entrons dans la compréhension des strates inconscientes qui demeurent en nous, il apparaît que rien ne surgit comme cela par hasard. Il est possible de vivre les émotions en pleine lucidité et, dans une certaine mesure de remonter le cours de la pensée vers ce qui les a fait naître. Cela suppose un travail sur soi.

Caroline Mora
 Les noeuds psychiques sont-ils nécessaires à la construction de notre identité?

R. Ce n'est pas ce que nous avons dit ici. Ils sont liés à la continuité de l'ego en tant que mémoire personnelle. Il n'est pas possible de séparer entièrement l'histoire personnelle et ses difficultés de ma conscience en tant que moi. Cependant, est-ce là réellement ce que je suis? Suis-je seulement le sous-produit d'une histoire difficile? La personne se réduit-elle à quelque chose de résiduel dans la mémoire? Le Soi est-il de la mémoire?

Laure Mahé
 La censure est-elle à l'origine de l'inconscience?

R. Sous la forme des actes manqués oui, certainement, sous la forme des actes inconscients au sens freudien oui. Mais ce n'est que la forme pathologique de l'inconscient.

Jean-marc Robion
Sur un de vos propos sur l’hypnose, ou vous écrivez que sa pratique, son expérimentation ne donne rien de concluant et de durable, je me questionne en raison du fait de n’avoir pas vécu la même expérience que vous si il s’agit d’expérimentation personnelle dont vous parlez . Permettez moi cette question, avez-vous connu l’état d’hypnose, plus d’une fois, pour réaliser un travail sur vous- même, ou vous explorer et connu une déception pour écrire ainsi sur ce sujet, ou rapporté l’idée d’une simple théorie à l’écoute de divers témoignages ?

R. Vous faites peut être allusion aux remarques sur Freud qui a abandonné l'illusion? Pour tout dire, j'ai connu un hypnotiseur, mais je n'ai pas été sujet moi-même. J'ai discuté un peu avec un spécialiste et je connais bien le principe. Ce que je voulais dire dans ce passage, c'est qu'une suggestion plantée dans l'inconscient peut certes aider un temps, mais elle ne remplace pas le travail sur soi.

 

 Avec la participation de : Julien Aranda, Maud Dartier, Camille Dutertre, Marion Boquenet. Aurore Foissac, Blanche Konrad, Nolwen Le Serrec, Raphaële Delaunay, Marion Mouchès, Alice Marvier, Lisa Guerrero, Lisa Quillac, Emilie Boisson, Marie Fischer, Wanda Saint-Paul, Caroline Mora, Laure Mahé, Lucie Garbage.


Bienvenue| Cours de philosophie| Suivi des classes| Dialogue| Liens sur la philosophie| Nos travaux| Informations
 E-mail : philosophie.spiritualite@gmail.com