Dialogues et commentaires sur la leçon :
L'idée de Nature


Kevin Petit
Suite à la lecture de votre leçon sur l'idée de nature, je suis tombé sur un très beau texte d'Elysée Reclus (géographe du XIXème siècle) qui colle parfaitement avec votre discours. Je me permets donc de vous le transmettre : "La question de savoir ce qui dans l’œuvre de l’homme sert à embellir ou bien contribue à dégrader la nature extérieure peut sembler futile à des esprits soi-disant positifs : elle n’en a pas moins une importance de premier ordre. Les développements de l’humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort". Élysée Reclus, Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes.

Pierre Masci :  Quelques réflexions a propos de notre vie "hors sol".

Perso, j'ai été choque hier en voyant des mecs courir sur des "machines a courir", alors qu'ils ont la foret a cote. Je me suis dis "putain, ils vivent vraiment "hors sol", ils ne connaissent plus la nature, ils ne veulent même pas la voir, elle est inintéressante." Et puis je me suis dis "au fait, moi aussi je vis hors sol, je ne connais pas la nature. Si je devais présenter la nature a un enfant, je ne la connais pas. Je ne sais pas lui montrer les différents oiseaux, ou les arbres. Je n'y suis jamais vraiment dans la nature, sauf pour y faire des activités programmées (course a pied, vélo, marche, méditation), mais vraiment jamais simplement être dans la nature. Je vis principalement dans une maison en béton et un bureau climatise." C'est a cause d'une amie qui m'a dit y a 3 jours "si j'ai des enfants je ne veux pas qu'ils apprennent la nature a l'école, je veux les emmener dans la foret et leur montrer les oiseaux, les laisser écouter les sons, grimper aux arbres, observer les plantes qui poussent, etc." Et puis, je me suis dis aussi "Hors sol...ca veut dire mis en dehors de la nature, pour pouvoir optimiser les résultats, par exemple la productivité pour les céréales qui poussent dans les champs, ou les plaisirs pour les humains qui poussent dans les villes." Mais qu'est-ce qui me gène avec ca, d'ou vient ce malaise que je ressens quand je dis ces mots? C'est flou, je ne sais pas tout a fait... C'est peut être un peu le fait que se couper de la nature, ca me semble... pas naturel ( tautologie? ). Ca me semble nocif au fait, je ne sais pas tout a fait pourquoi. Peut être parce que j'ai vu ce que ca donnait avec les céréales. C'est quoi le "bug" alors, avec la vie hors sol? Je dirais peut être que c'est le fait qu'on essaye de tout contrôler pour "faire bien", et que finalement on aurait mieux fait de laisser faire la nature, de bien l'observer et d'apprendre a y vivre, au lieu de vouloir créer un monde "mieux que la nature".

Coralie Larché
Est-ce qu'on peut dire que les primitifs respectent mieux la nature que nous? 

     R. Je suis désolé, mais je dois répondre oui. L'occident a développé une techno-science qui a permis un développement sans précédent de la puissance de manipulation de la Nature. Notre technique nous donne une puissance de destruction immense. Nous avons pris l'habitude de ne voir dans la Nature qu'un objet : de quoi fournir de la nourriture pour le marché agro-alimentaire, de quoi fournir des industrie de voyage, de quoi fournir des industrie chimique etc. Toujours cette relation objectivée du prédateur technique. L'homme primitif a peur des forces naturelles, il voit des esprits partout. Il fait une prière et s'excuse quand il tue l'animal qu'il va manger. Ses croyances archaïques limites sont action sur la Nature. Son respect de la nature n'est pas très réfléchi, ni réellement moral, mais il est réel. 

Nowlen Le Serrec
Q. Est-ce que cela ne vient pas au fond de l'économie? 

     R. C'est une réponse qui a sa pertinence. La destruction de la nature renvoie un moyen qui est la technique, mais ce moyen est entre les mains de l'économie qui en profite. Il est possible de considérer que la responsabilité réside dans une vaste machination économique du profit. nous payons la destruction de la Nature au prix de la loi du marché qui l'exploite sans ménagement. 

Emilie Sièze. 
Q. L'homme, c'est l'animal le plus dangereux de la nature non?

     R. Attention, on ne va pas tomber dans la misanthropie tout de même. C'est ce que l'on reproche à la Deep Ecology.

Jean Michel Tanguy
     Q. L’homme nomme « artifice culturel » appartient à sa nature (ce qui lui appartient en propre). Comme le vol pour l’oiseaux, ou la vie aquatique pour les poissons.

               Notre devenir est encore en construction : combien d’espèces humaines n’avons-nous pas inventorié ? De l’homo erectus en passant par l’homo habilis…., pour se penser aujourd’hui homo sapiens sapiens, affaiblissant à partir des années cinquante toutes ces civilisations dites primitives, qui avaient survécu grâce à leurs traditions. L’évolution humaine, l’aventure humaine n’est pas stabilisée, dans ses codes et ses fonctionnements et qu’elle le sera le jour où notre nature ne nous le « permettra » plus, répliquant éternellement les mêmes codes et se soumettant aux mêmes lois.   Cette séparation de la culture et de la nature n’est elle pas une pas une pensée linéaire ? Cette idée de l’homme dénaturé n’est elle pas une idée archaïque, venant de la séparation de l’âme et du corps : puisque l’homme est au dessus de la Nature il doit en être maître, et surtout maître de sa propre nature ?

      Or le cosmos nous est de plus en plus connu, des outils, pour appréhender l’univers, ont aidé l’homme dans sa quête naturelle de connaissance. Aujourd’hui le paradigme de la complexité nous permet d’en comprendre un peu plus la construction. Il faut s’interroger comme vous le faites, comme je tente de le faire moi aussi, sur la « relation vivante avec la Nature » mais est-ce en stigmatisant la « dénature » de l’homme, c'est-à-dire de sa relation avec son environnement immédiat, qu’est notre globe ? Ne faut il pas s’interroger sur ces fabuleuses propriétés réflexives  qui appartiennent en propre à l’espèce humaine ?

     R. Le terme de dénaturation est effectivement difficile à entendre dans notre culture. Par contre, il est facile d'observer à quel point l'homme contemporain est coupé de la Nature. C'est le point important. Il est frappant de remarquer à quel point nous sommes pour la plupart d'entre nous devenus insensibles. Or si vous être très sensibles dans la relation avec la Nature, vous l'êtes aussi dans la relation humaine. Je crois que la formule de Krishnamurti "coupé de la Nature, l'homme devient un tueur" a une réelle profondeur, ce n'est pas une manière de stigmatiser l'homme contemporain.

Avec la participation de : Nolwen Le Serrec, Emilie Sièze, Coralie Larché, Jean Michel Tanguy, Pierre Masci.


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