Textes philosophiques

Günther Anders   le rapport au monde et le virtuel


"1. Quand c'est le monde qui vient à nous et non l'inverse, nous ne sommes plus "au monde", nous nous comportons comme les habitants d'un pays de cocagne qui consomment leur monde.

2. Quand il vient à nous, mais seulement en tant qu'image, il est à la fois présent et absent, c'est à dire fantomatique.

3. Quand nous convoquons à tout moment (nous ne pouvons certes pas disposer de lui mais nous pouvons l'allumer et l'éteindre), nous détenons une puissance divine.

4. Quand le monde s'adresse à nous sans que nous puissions nous adresser à lui, nous sommes condamnés au silence, condamnés à la servitude.

5. Quand il est seulement perceptible et que nous ne pouvons agir sur lui, nous sommes transformés en espions et en voyeurs.

6. Quand un événement ayant lieu à un endroit précis est retransmis et peut être expédié n'importe où sous forme d'émission, il est alors transformé en marchandise mobile et presque omniprésente: l'espace dans lequel il advient n'est plus son principe d'individuation.

7. Quand il est mobile et apparaît en un nombre virtuellement illimité d'exemplaires, il appartient alors, en tant qu'objet, aux produits de série. Il faut payer pour recevoir ce produit de série: c'est bien la preuve que l'événement est une marchandise.

8. Quand il n'a d'importance sociale que sous forme de reproduction, c'est-à-dire en tant qu'image, la différence entre être et paraître, entre réalité et image, est abolie.

9. Quand l'événement sous forme de reproduction prend socialement le pas sur sa forme originale, l'original doit alors se conformer aux exigences de la reproduction et l'événement devenir matrice de sa reproduction".

L'Obsolescence de l'Homme, Ivrea, tome I, 2002 (édition allemande 1956).  p. 131.

Indications de lecture:

 

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