Textes philosophiques

Saint Augustin : la joie vraie n’existe qu’après que l’on ait connu la peine


« Un être cher est malade ; l’état de son pouls révèle son mal ; tous ceux qui souhaitent sa guérison souffrent avec lui par sympathie. Mais le voici mieux, il se promène encore affaibli, et c’est une telle joie que jamais on n’en ressentit de pareille quand il allait et venait, fort et bien portant. Même les plaisirs de la vie humaine, ce n’est pas inopinément et sans le concours de la volonté que les hommes en jouissent, c’est au prix de désagréments prémédités et voulus. Il n’y a aucun plaisir à boire et à manger si l’on n’a pas senti d’abord l’aiguillon de la soif et de la faim. Les ivrognes mangent de certaines salaisons pour se donner une importante inflammation de gosier : ils boivent pour la calmer, et c’est délicieux. L’usage veut que les fiancées, l’engagement une fois conclu, ne soient pas livrées tout de suite : le mari mépriserait le don, si le fiancé n’avait eu à attendre et à soupirer »

St Augustin, Les Confessions, 397-401 ap JC, Livre XIII, chapitre 3, trad. Trabucco.

Indications pour la lecture :

Ce texte porte sur l’effet de contraste : on ne peut connaître la réelle joie sans avoir connu une vraie peine. Estimer la valeur de la joie nous est impossible tant que l’on n’a pas vécu le sentiment inverse, qu’est la peine. Notre vie est caractérisée par l’inquiétude, la peur de perdre nos objets d’amour, que ce soit un être cher, la santé, ou même des objets quelconques. Selon Augustin, il existe deux cités qui coexistent dans ce monde : la cité terrestre, qui a pour principe l'amour de soi allant jusqu'au mépris de Dieu, et la cité céleste qui regroupe toutes les nations vivant sous la loi de Dieu et a pour principe l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi. Si la cité terrestre est historique et donc contingente, la cité de Dieu a pour fin la paix dans la perfection. Les malheurs terrestres sont des épreuves et des châtiments qui nous préparent à l'éternité : la vraie joie, la béatitude, se trouve du coté de la cité de Dieu, et la vie dans la Cité terrestre permet d’apprécier cette joie. L’inquiétude s’apaise seulement avec la joie et la béatitude qui nous sont données par le contact avec Dieu. Dans le monde « terrestre », la joie que l’on peut éprouver advient seulement lorsque l’on a éprouvé une grande peine : le malade n’avait pas conscience de la chance et du bonheur qu’est la bonne santé, avant de la perdre. De même les fiancés apprécient d’autant plus leur épouse si celle ci les fait attendre : principe du « se faire désirer », utilisé ici par Augustin pour nous montrer que partout une « allégresse plus vive est précédée d’une plus vive peine ».

texte préparé par Stéphanie Combabessou

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