Ramesh S. Balsekar

Textes philosophiques

Ramesh S. Balsekar le cheval de Winston Churchill

Il existe une énorme différence quand l'esprit agissant se concentre sur la tâche en cours sans que l'esprit pensant vienne s'ïnterposer et faire entrave avec des pensées du style : « Est-ce que c'est bien, ou est-ce que c'est mal ? Est-ce que cela ne risque pas de me faire perdre mon travail ? Comment cela va-t-il me profiter ? ». Il n'y a pas cette ingérence dans l'esprit agissant et c'est pourquoi, quand l'esprit agissant est pleinement présent, vous ressentez à la fin de la journée une bien moins grande tension, physique ou mentale. Vous avez un formidable sentiment que quelque chose a été accompli sans personne pour l'accomplir.

Je vais vous raconter une histoire à ce propos, qui illustre bien la différence entre l'esprit agissant et l'esprit pensant : Winston Churchill possédait un cheval, avec lequel il comptait bien remporter le Derby. Mais le cheval n'a pas gagné la course. Quand on demanda à Winston Churchill ce qu'il s'était passé, il répondit : « J'ai commis une erreur. Avant la course, je suis allé parler à mon cheval, et je lui ai dit : "Gagne cette course, et tu n'auras plus à travailler pour le restant de tes jours. Tu auras la compagnie des meilleures juments et tu n'auras plus aucun souci à te faire." Ce fut là mon erreur. Le cheval n'avait pas la tête à sa tâche ! » Quand vous pensez aux conséquences, bonnes ou mauvaises, l'esprit agissant s'en trouve affecté.

Diriez-vous que les automatismes qui se sont formés au fil de la vie appartiennent à l'esprit agissant ?

Cela dépend. L'esprit agissant a besoin de certaines habitudes pour bien faire son travail. Mais la plupart des habitudes, je pense, proviennent de l'esprit pensant. La pire habitude - et qu'il soit bien entendu que quand je dis « pire », ou « meilleur », tous deux appartiennent au fonctionnement de la Totalité - la pire habitude qui soit est de juger les événements selon le point de vue personnel. Même les pensées sont jugées acceptables ou inacceptables. Cela, c'est le conditionnement. Conceptualiser est la pire des habitudes. Conceptualiser signifie comparer et juger.

Il y a un magnifique passage écrit par Tchouang-tseu, où celui-ci dit que les Anciens avaient la connaissance parfaite. Ils ne savaient même pas que les choses existaient. Puis ils finirent par savoir que les choses existaient, mais ils ne faisaient pas de comparaisons. Ils ne voyaient en elles aucune différence. Puis ils commencèrent à faire une distinction entre les choses, et le Tao fut perdu. Le Tao a été perdu lorsqu'ils se sont mis à juger. Cela décrit tout à fait la façon dont l'identification se produit au fil du processus d'évolution, au départ dans l'ignorance que les choses existent, pour finir par le jugement et la comparaison. Le processus finira par parcourir le cercle complet, de l'apparition du Tao jusqu'à son retour à sa pureté originelle, après être passé par sa mise en mouvement. Dans ce processus, les êtres humains ne sont que des instruments au travers desquels le processus prend place.

Quand on fait quelque chose et qu'on est complètement présent à ce moment-là, sans se demander si on le fait bien ou mal, est-ce là l'esprit agissant ?

C'est cela, oui. Et pour que cela se produise, il faut avoir bien saisi que « Je ne peux en aucune façon régir les conséquences. La vie est un flux impersonnel et je ne peux être le maître ni de ma vie, ni de celle des autres. » Voilà ce qu'il faut avoir intégré. C'est cette conviction qui permettra à l'esprit agissant de poursuivre sans être interrompu.

Si je me dis « Je ferais mieux d'utiliser mon esprit agissant », je crée un obstacle ?

Tout à fait. Quelle que soit la façon dont vous regardez les choses, seule la perception intime de la vie peut produire quelque chose.

L'Appel de l'Etre, éditions du Relié, p. 62.

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