Textes philosophiques

Condillac    La représentation de l'animalité


"Il y a trois sentiments sur les bêtes.

On croit communément qu'elles sentent et qu'elles pensent:

les Scolastiques prétendent qu'elles sentent et qu'elles ne pensent pas, et

 les Cartésiens les prennent pour des automates insensibles"...

(a)

"Il accorde aux bêtes sentiment, sensation et conscience d'existence. elles pensent donc, agissent et sentent à peu près dans le même ordre et de la même façon que nous pensons agissons et sentons... Il croit encore que nos yeux ne voient qu'en eux-mêmes, lorsqu'ils s'ouvrent pour la première fois à la lumière. Il ne dit pas comment ils apprennent à voir au-dehors; mais ce ne peut être, même dans ses principes, que l'effet d'un jugement de l'âme occasionné par le toucher.

Par conséquent, suppose que les bêtes n'ont point d'âme, qu'elles ne comparent point, qu'elles ne jugent point, c'est supposer qu'elles voient en elles-mêmes tous les objets, qu'elles les voient double et renversés (b).

M. de Buffon est obligé lui-même de reconnaître qu'elles ne voient, comme nous, que, par des actes répétés, elles ont joint aux impression du sens de la vue celles du goût, de l'odorat et du toucher... Afin donc qu'un animal aperçoive hors de lui les couleurs, les sons et les odeurs, il faut trois choses: l'une, qu'il touche les objets qui lui donnent ces sensations; l'autre qu'il compare les impressions de la vue, de l'ouïe et de l'odorat avec celle du toucher, la dernière qu'il juge que les couleurs, les sons et les odeurs sont dans les objets qu'il saisit. S'il touchait sans faire aucune comparaison, sans porter aucun jugement, il continuerait à ne voir, à n'entendre, à ne sentir qu'en lui-même.

    Or tout animal qui fait ces opération a des idées; car, selon M de Buffon, les idées ne sont que des sensations comparées, ou des associations de sensations, ou, pour parler plus clairement, il a des idées, parce qu'il a des sensations qui lui représentent les objets extérieurs et les rapports qu'ils ont à lui.

   il a encore de la mémoire; car pour contracter l'habitude de juger à l'odorat, à la vue, etc. avec tant de précision et de sûreté, il faut qu'il ait comparé les jugements qu'il a porté dans une circonstance avec ceux qu'il a porté dans une autre.

Traité des animaux   p. 128, 129

(a) critique de Buffon)
(b) cf. Optique de l'oeil, l'image inversée.

Indications de lecture:

Voir les textes de Rousseau sur le site et comparer, la filiation entre Condillac et Rousseau est nette.

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