|
Textes philosophiquesDiderot quand un peuple abandonne sa liberté"Le gouvernement arbitraire d'un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des séductions: elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son successeur quel qu'il soit, méchant et stupide. Il enlève au peuple le droit de délibérer, de vouloir ou ne vouloir pas, de s'opposer même à sa volonté, lorsqu'il ordonne le bien; cependant ce droit d'opposition, tout insensé qu'il est, est sacré: sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu'on le condit dans de gras pâturages. En gouvernant selon son bon plaisir, le tyran comment le plus grand des forfaits. Qu'est ce qui caractérise le despote? Est-ce la bonté ou la méchanceté? Nullement; ces deux notions n'entrent pas seulement dans sa définition. c'est l'étendue et non l'usage de l'autorité qu'il s'arroge. Un des plus grand malheurs qui pût arriver à une nation, ce seraient deux ou trois règnes d'une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire: les peuples seraient conduit par le bonheur à l'oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage. Je ne sais si jamais un tyran et ses enfants se sont avisés de cette redoutable politique; mais je ne doute aucunement qu'elle ne leur eût réussi. Malheur aux sujets en qui l'on anéantit tout ombrage sur leur liberté, même par les voies les plus louables en apparence. Ces voies n'en sont que plus funestes pour l'avenir. c'est ainsi que l'on tombe dans un sommeil fort doux, mais d'un sommeil de morts, pendant lequel le sentiment patriotique s'éteint, et l'on devient étranger au gouvernement de l'État. Supposez aux Anglais trois Elisabeth de suite, et les anglais seront les derniers esclaves de l'Europe". Réfutation d'Helvétius, édition P. Vernière, Garnier, p.619
|