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Textes philosophiquesNicolas Grimaldi quand un objet devient une oeuvre d'art*"Alors que les propriétés d’un objet en sont si constitutives qu’elles en sont inséparables, la dignité esthétique d’un objet n’est cependant qu’intermittente. Elle dépend donc bien plus de l’expérience du sujet que des caractères de l’objet. Souvent nous ne sentons plus l’art qu’on y admirait naguère, de même qu’il nous arrive d’y reconnaître un art que durant des siècles on y avait jamais perçu. Combien de tableaux naguère admirés et vendus à prix d’or n’encombrent désormais les caves des musées et ne nous paraissent plus qu’autant de témoignages historiques ! A l’inverse, la lumière frisante, les puissants contrastes, et les agrandissements de la photographie nous font désormais admirer comme des sculptures les motifs d’anciens lits clos bretons, des masques de combat japonais, ou les ailes immobiles d’anciennes charrues. Pour qu’un objet naguère usuel devînt objet d’art, il a donc d’abord fallu qu’il perdit l’usage qui l’apparentait au monde. Naguère on le percevait comme un des objets du monde ; désormais on imagine à partir de ce qu’on y perçoit un tout autre monde que celui où nous sommes accoutumés d’agir. Il ne suffit pas toutefois qu’un objet soit devenu inutile pour qu’il nous paraisse devenu esthétique. Encore faut-il qu’il nous émeuve, et cela ne se peut pas sans évoquer des situations, des tensions et des détentes, des rythmes et des sentiments que nous faisons nôtres en les imaginant. Quoiqu’il n’y ait pas de critères objectifs de l’art, on peut donc toutefois en caractériser des conditions subjectives. A quelque objet qu’on ait à faire, il suffit donc de se demander s’il remplit ces conditions pour savoir s’il peut s’agir d’œuvre d’art". article paru dans la revue rehauts 14 accompagné de dessins de Marie Sallantin
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