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Textes philosophiquesEmmanuel Levinas le café, lieu d'oubli de l'autreLe cabaret, ou le café, est devenu partie intégrante et essentielle de la vie moderne, qui est peut-être "vie ouverte" surtout par cet aspect ! Une ville inconnue où nous arrivons et qui est sans cafés nous semble fermée. Le café, c'est la maison ouverte, de plain-pied avec la rue, lieu de la société facile, sans responsabilité réciproque. On entre sans nécessité. On s'assied sans fatigue, on boit sans soif. Histoire de ne pas rester dans sa chambre. Vous savez que tous les malheurs viennent de l'incapacité où nous sommes de rester seuls dans notre chambre. Le café n'est pas un lieu, c'est un non-lieu pour une non-société, pour une société sans solidarité, sans lendemain, sans engagements, sans intérêts communs, société du jeu. Le café, maison de jeux, est le point par où pénètrent le jeu dans la vie et la dissout. Société sans hier et sans lendemain, sans responsabilité, sans sérieux - distraction, dissolution. Au cinéma, un thème commun est proposé à l'écran, au théâtre, sur la scène; au café, il n'y a pas de thème. On est là, chacun à sa petite table, auprès de sa tasse ou de son verre, on se détend absolument au point de n'être l'obligé de personne et de rien; et c'est parce qu'on peut aller au café se détendre qu'on supporte les horreurs et les injustices d'un monde sans âme. Le monde comme jeu d'où chacun peut tirer son épingle et n'exister que pour soi, lieu de l'oubli - de l'oubli de l'autre -, voilà le café. Judaïsme et Révolution : Du Sacré au Saint. Cinq nouvelles lectures talmudiques, Les éditions de Minuit, Paris 1977, 40-42 ; § Le cabaret. Indications de lecture:
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