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Textes philosophiquesEmmanuel Levinas les droits de l'homme, droit de l'autreLa découverte des droits qui sous le titre de droits de l’homme s’attachent à la condition même d’être homme, indépendamment de qualités telles que rang social, force physique, intellectuelle et morale, vertu et talents, par lesquels les hommes diffèrent les uns des autres, et l’élévation de ces droits au rang de principes fondamentaux de la législation et de l’ordre social, marquent certainement un moment essentiel de la conscience occidentale. Même si les impératifs bibliques : « Tu ne tueras point » et « Tu aimeras l’étranger », attendaient, depuis des millénaires, l’entrée des droits, attachés à l’humanité de l’homme, dans le discours juridique primordial de notre civilisation. L’homme en tant qu’homme aurait droit à une place exceptionnelle dans l’être et, par là même, extérieur au déterminisme des phénomènes ; il serait le droit à une indépendance ou à la liberté de chacun reconnue par chacun. Droit à une position prémunie contre l’ordre immédiat des nécessités inscrites dans les lois naturelles qui commandent les choses, les vivants et les pensants d’une Nature laquelle, en un sens aussi cependant, concerne et englobe les humains. Place exceptionnelle, droit au vouloir libre, garanti et protégé dans les lois désormais instituées par l’homme. Droit se révélant dans l’obligation –incombant pourtant aux hommes libres eux-mêmes– d’épargner à l’homme une dépendance où il ne serait que pur moyen d’une finalité dont il ne serait aucunement la fin. Obligation d’épargner à l’homme les contraintes et les humiliations de la misère, de l’errance et même de la douleur et de la torture que comportent encore les enchaînements des phénomènes naturels – physiques et …/… psychologiques– la violence et la cruauté des intentions méchantes des vivants... Bonté, vertu enfantine ; mais déjà charité et miséricorde et responsabilité pour autrui et déjà la possibilité du sacrifice où l’humanité de l’homme éclate rompant l’économie générale du réel et tranchant sur la persévérance des étants s’obstinant dans leur être : pour une condition où autrui passe avant soi-même. Dés-intér-essement de la bonté : autrui dans sa demande qui est un ordre, autrui comme visage, autrui qui « me regarde », même quand il ne me regarde pas, autrui comme prochain et toujours étranger – bonté comme transcendance ; et moi, le tenu à répondre, l’irremplaçable et, ainsi, l’élu et ainsi véritablement unique. Bonté pour le premier venu, droit de l’homme. Droit de l’autre homme avant tout. Entre nous. Essais sur le penser-à-l’autre, Grasset, Paris 1998, 215-219 ;
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