Textes philosophiques

Gabriel Marcel  Avoir et être


    «Au fond tout se ramène à la distinction entre ce qu’on et ce qu’on est. Seulement il est extraordinairement difficile de l’exprimer sous forme conceptuelle, et il doit cependant être possible de le faire. Ce qu’on a présente évidemment une certaine extériorité par rapport ) soi. Cette extériorité n’est pourtant pas absolue. En principe ce qu’on a ce sont des choses (ou ce qui peut être assimilé à des choses, et dans la mesure précise où cette assimilation est possible). Je ne puis avoir au sens strict du mot que quelque chose qui possède une existence jusqu’à un certain point indépendante de moi. En d’autres permes ce que j’ai s’ajoute à moi ; bien plus le fait d’être possédé par moi s’ajoute à d’autres propriétés, qualités, etc. , appartenant à la chose que j’ai. Je n’ai que ce dont je peux en quelque manière et dans certaines limites disposer, autrement dit pour autant que je peux être considéré comme une puissance, comme un être doué de pouvoirs. Il n’y a de transmission possible que de ce qu’on a…

     Avoir, assurément cela peut signifier, et cela signifie même en principe : avoir à soi, garder pour soi, dissimuler. Ici l’exemple le plus intéressant, le plus typique, c’est avoir un secret. Mais nous retrouvons aussitôt ce je j’indiquais à propos du contenu. Ce secret n’est un secret que parce que je le garde, mais aussi et en même temps parce que je pourrais le livrer. Cette possibilité de trahison ou de découverte lui est inhérente et contribue à le définir en tant que secret. Ceci n’est pas unique mais se vérifie partout où nous sommes en présence de l’avoir au sens fort. La caractéristique de l’avoir, c’est d’être exposable. Il y a un parallélisme rigoureux entre le fait d’avoir dans ses cartons des dessins de X. qu’on montrera à tel visiteur et le fait d’avoir des idées ou des opinions sur telle ou telle question… en tant que je me conçois moi-même comme ayant en moi u plus précisément à moi certains caractères, certains apanages, je me considère du point de vue d’un autre auquel je ne m’oppose qu’à condition de m’être d’abord implicitement identifié à lui ; quand je dis, par exemple : j’ai mes idées là-dessus, je sous-entends : mes idée qui ne sont pas celles de tout le monde ; ces idées de tout le monde, je ne puis les écarter, les repousser qu’à condition de les avoir d’abord un instant et fictivement assimilées, faites miennes. L’avoir se situe donc non pas du tout dans un registre de pure intériorité, ce qui n’aurais aucun sens, mais bien dans un registre où l’extériorité et l’intériorité ne se laissent pas plus réellement sépare que le grave et l’aigu par exemple. Et ici je crois que ce qui importe, c’est la tension même entre l’une et l’autre…

     L’avoir existe déjà au sens le plus profond dans le désir ou dans la convoitise. Désirer c’est en quelque manière avoir en n’ayant pas ; cet par là s’explique l’espèce de souffrance brûlure essentielle au désir, et qu est au fond l’expression d’une sorte de contradiction, de frottement à l’intérieur d’une situation intenable. La symétrie est d’ailleurs absolue entre la convoitise et l’angoisse que j’ »prouve à l’idée que je vais perdre ce que j’ai, ce que je croyais avoir, ce que déjà je n’ai plus. Mais ‘il en est ainsi, il semble bien,… que l’avoir soit en quelque façon fonction du temps ».

 Être et avoir, Journal métaphysique, p. 195, 201- 204.

Indications de lecture:

 

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