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Textes philosophiquesMaurice Merleau-Ponty l'espace est existentiel"Pendant que je traverse la place de la Concorde et que je me crois pris tout entier par Paris, je puis arrêter mes yeux sur une pierre du mur des Tuileries, la Concorde disparaît, et il n'y a plus que cette pierre sans histoire; je peux encore perdre mon regard dans cette surface grenue et jaunâtre, et il n'y a plus même de pierre, il n reste qu'un jeu de lumière sur une matière indéfinie. Ma perception totale n'est pas faite de ces perceptions analytiques, mais elle peut toujours se dissoudre en elles, et mon corps, qui assure par mes habitus mon insertion dans le monde humain, ne le fait justement qu'en me projetant d'abord dans un monde naturel qui transparaît toujours sous l'autre, comme la toile sous le tableau, et lui donne un air de fragilité. Même s'il y a une perception de ce qui est désiré par le désir, aimé par l'amour, haï par la haine, elle se forme toujours autour d'un noyau sensible, si exigu qu'il soit, et c'est dans le sensible qu'elle trouve sa vérification et sa plénitude. Nous avons di que l'espace est existentiel; nous aurions pu dire aussi bien que l'existence est spatiale, c'est-à-dire que par une nécessité intérieure, elle s'ouvre sur un dehors au point que l'on peut parler d'un espace mental et d'un monde de signification et des objets de la pensée qui se constituent en elles". Phénoménologie de la Perception, p. 339-340. Indications de lecture:
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