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Textes philosophiquesEdgar Morin la tombe et les funéraillesEn même temps que la tombe nous signale la présence et la force du mythe, les funérailles nous signalent la présence et la force de la magie. Les funérailles, en effet, sont des rites qui contribuent à opérer le passage à l'autre vie de façon convenable, c'est-à-dire en protégeant les vivants de l'irritation de la mort (d'où peut-être déjà le culte aux morts) et de la décomposition de la mort (d'où peut-être déjà le deuil qui isole les proches du défunt). Ainsi c'est tout un appareil mythologico-magique qui émerge chez sapiens et se trouve mobilisé pour affronter la mort. Tout nous indique donc que la conscience de la mort qui émerge chez sapiens est constituée par l'interaction d'une conscience objective qui reconnaît la mortalité, et d'une conscience subjective qui affirme sinon l'immortalité, du moins la transmortalité. Les rites de la mort à la fois expriment, résorbent et exorcisent un trauma que provoque l'idée d'anéantissement. Les funérailles, et ceci dans toutes les sociétés sapientales connues, traduisent en même temps une crise et le dépassement de cette crise, d'une part le déchirement et l'angoisse, d'autre part l'espérance et la consolation. Tout nous indique donc que l'homo sapiens est atteint par la mort comme par une catastrophe irrémédiable, qu'il va porter en lui une anxiété spécifique, l'angoisse ou l'horreur de la mort, que la présence de la mort devient un problème vivant, c'est-à-dire qui travaille sa vie. Tout nous indique également que cet homme non seulement refuse cette mort, mais qu'il la récuse. la résout dans le mythe et la magie. Le paradigme perdu. La nature humaine, Éditions du Seuil, 1973, colt Points Essais, 1979. Indications de lecture :
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