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Textes philosophiquesPascal tous les hommes cherchent à être heureux
Tous les hommes
recherchent d'être heureux. Cela est sans exception, quelques différents
moyens qu'ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les
uns vont à la guerre et que les autres n'y vont pas est ce même désir qui
est dans tous les deux, accompagné de différentes vues. La volonté [ne]
fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C'est le motif de
toutes les actions de tous les hommes. Jusqu'à ceux qui vont se pendre.
Et cependant depuis un si
grand nombre d'années jamais personne, sans la foi, n'est arrivé à ce
point où tous visent continuellement. Tous se plaignent, princes, sujets,
nobles, roturiers, vieux, jeunes, forts, faibles, savants, ignorants,
sains, malades, de tous pays, de tous les temps, de tous âges et de toutes
conditions.
Une épreuve si longue, si
continuelle et si uniforme devrait bien nous convaincre de notre
impuissance d'arriver au bien par nos efforts. Mais l'exemple nous
instruit peu. Il n'est jamais si parfaitement semblable qu'il n'y ait
quelque délicate différence, et c'est de là que nous attendons que notre
attente ne sera pas déçue en cette occasion comme en l'autre. Et ainsi, le
présent ne nous satisfaisant jamais, l'expérience nous pipe, et de malheur
en malheur nous conduit jusqu'à la mort qui en est un comble éternel.
Qu'est-ce donc que nous
crie cette avidité et cette impuissance, sinon qu'il y a eu autrefois dans
l'homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la
marque et la trace toute vide, et qu'il essaie inutilement de remplir de
tout ce qui l'environne, recherchant des choses absentes le secours qu'il
n'obtient pas des présentes, mais qui en sont toutes incapables, parce que
ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable,
c'est-à-dire que par Dieu même.
Lui seul est son
véritable bien. Et depuis qu'il l'a quitté, c'est une chose étrange qu'il
n'y a rien dans la nature qui n'ait été capable de lui en tenir la place:
astres, ciel, terre, éléments, plantes, choux, poireaux, animaux,
insectes, veaux, serpents, fièvre, peste, guerre, famine, vices, adultère,
inceste. Et depuis qu'il a perdu le vrai bien, tout également peut lui
paraître tel, jusqu'à sa destruction propre, quoique si contraire à Dieu,
à la raison et à la nature tout ensemble.
Les uns le
cherchent dans l'autorité, les autres dans les curiosités et dans les
sciences, les autres dans les voluptés.
D'autres, qui en ont en
effet plus approché, ont considéré qu'il est nécessaire que ce bien
universel que tous les hommes désirent ne soit dans aucune des choses
particulières qui ne peuvent être possédées que par un seul et qui, étant
partagées, affligent plus leur possesseur par le manque de la partie
qu'ils n'ont pas qu'elles ne le contentent par la jouissance de celle
[qui] lui appartient. Ils ont compris que le vrai bien devait être tel que
tous pussent le posséder à la fois sans diminution et sans envie, et que
personne ne le pût perdre contre son gré. Et leur raison est que ce désir
étant naturel à l'homme puisqu'il est nécessairement dans tous et qu'il ne
peut pas ne le pas avoir, ils en concluent...
Pensées,
181, (1670).
Indications de lecture:Cf. Cinque Leçons sur le bonheur.
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