Textes philosophiquesPlaton le misologue et le misanthrope« mettons-nous engarde contre un danger.- Lequel ? Dis-je ?- C’est, dit-il, de devenir misologues, comme on devient misanthrope ; car il ne peut rien arriver de pire à un homme que de prendre en haine les raisonnements. Et la misologie vient de la même source que la misanthropie. Or la misanthropie se glisse dans l’âme quand, faut de connaissance, on a mis une confiance excessive en quelqu’un que l’on croyait vrai, sain et digne de foi, et que, peu de temps après, on découvre qu’il est méchant et faux, et qu’on fait ensuite la même expérience sur un autre. Quand cette expérience s’est renouvelée souvent, en particulier sur ceux qu’on regardait comme ses plus intimes amis et ses meilleurs camarades, on finit, à force d’être choqué, par prendre tout le monde en aversion et par croire qu’il n’y a absolument rien de sain chez personne. N’as-tu pas remarqué toi-même que c’est ce qui arrive ?- Si, dis-je.- N’est-ce pas une honte ? N’est-il pas claire que, lorsqu’un tel homme entre en rapport avec les hommes, il n’a aucune connaissance de l’humanité ; car s’il en avait eu quelque connaissance, en traitant avec eux, il aurait jugé les choses comme elles sont, c’est-à-dire que les gens tout à fait bons et les gens tout à fait méchants sont en petit nombre les uns et les autres, et ceux qui tiennent le milieu en très grand nombre…Ne crois-tu pas… que, si l’on proposait un concours de méchanceté, ici encore on verrait que les premiers seraient font petit nombre ?- C’est vraisemblable, dis-je.- Oui, c’est vraisemblable, … mais ce n’est pas en cela que les raisonnement ressemblent aux hommes – c’est toi qui tout à l’heure m’as jeté sur ce sujet et je t’ai suivi – mais voici où est la ressemblance. Quand on a cru, sans connaître l’art de raisonner, qu’un raisonnement est vrai, il peut se faire que peu après on le trouve faux, alors qu’il l’est parfois et parfois ne l’est pas, et l’expérience eut se renouveler, tu le sais, que ceux que ceux qui ont passé leur temps à controverser finissent par s’imaginer qu’ils sont devenus très sages et que, seuls, ils ont découvert qu’il n’y a rien de sain ni de sûr dans aucune chose ne dans aucun raisonnement, mais que tout est dans un flux et un reflux continuel, absolument comme dans l’Euripide, que rien ne demeure un moment dans le même état. - C’est parfaitement vrai, dis-je. - Alors, Phédon, reprit-il, s’il est vrai qu’il y ait des raisonnements vrais, solides et susceptibles d’être compris, ne serait-ce pas une triste chose de voir un homme qui, pour avoir entendu des raisonnements qui, tout en restant les mêmes, paraissent vrais, tantôt faux, au lieu de s’accuser lui-même et son incapacité, en viendrait par dépit à rejeter la faute sur les raisonnement, au lieu de s’en prendre à lui-même, et dès lors continuerait toute sa vie à haïr et ravaler les raisonnements serait ainsi privé de la vérité et de la connaissance de la réalité ? » Phédon, G.F. p. 145-147. Indications de lecture:
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