Textes philosophiquesHenri Frédéric Amiel la tragi-comédie de la vieMon privilège, c'est d'assister au drame de ma vie, d'avoir conscience de la tragi-comédie de ma propre destinée, et plus que cela d'avoir le secret du tragi-comique, c'est-à-dire de ne pouvoir prendre mes illusions au sérieux, de me voir pour ainsi dire de la salle sur la scène, d'outre-tombe dans l'existence, et de devoir feindre un intérêt particulier pour mon rôle individuel, tandis que je vis dans la confidence du poète qui se joue de tous ces agents si importants, et qui sait tout ce qu'ils ne savent pas. C'est une position bizarre, et qui devient cruelle quand la douleur m'oblige à rentrer dans mon petit rôle, auquel elle me lie authentiquement et m'avertit que je m'émancipe trop en me croyant, après mes causeries avec le poète, dispensé de reprendre mon modeste emploi de valet dans la pièce. - Shakespeare a dû éprouver souvent ce sentiment, et Hamlet, je crois, doit l'exprimer quelque part. C'est une doppelgängerei tout allemande et qui explique le dégoût de la vie réelle et la répugnance pour la vie publique si communs aux penseurs de la Germanie. Il y a comme une dégradation, une déchéance gnostique à replier ses ailes et à rentrer dans sa coque grossière de simple particulier" Journal intime, Indications de lecture:
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