Textes philosophiquesHannah Arendt le travail intellectuel est aussi ouvrierToute différente, la catégorie plus populaire des travaux vaux manuel et intellectuel. Ici, le lien sous-jacent entre l'homme qui peine avec ses mains et celui qui peine avec sa tête est encore le travail accompli dans un cas par la tête, dans l'autre par quelque autre partie du corps. Cependant, la pensée, que l'on peut supposer être l'activité de la tête, bien qu'elle ressemble un peu au travail - étant aussi un processus qui, sans doute, ne prend fin qu'avec la vie - est encore moins « productive » que le travail; si le travail ne laisse point de trace durable, la pensée ne laisse absolument rien de tangible. L'acte de pensée ne se manifeste jamais de lui-même en objets. Dès qu'il veut manifester ses pensées, le travailleur intellectuel doit se servir de ses mains et acquérir des talents manuels tout comme un autre ouvrier. En d'autres termes, penser et ouvrer sont deux activités qui ne coïncident jamais tout à fait; le penseur qui veut faire connaître au monde le « contenu » de ses pensées doit d'abord s'arrêter de penser et se rappeler ses pensées. La mémoire, dans ce cas comme dans tous les autres, prépare l'intangible et le fugace à leur éventuelle matérialisation; c'est le commencement du processus de l'oeuvre et, de même que pour l'artisan l'étude du modèle à suivre, c'en est le stade le plus immatériel. L'oeuvre elle-même exige toujours un matériau sur lequel on l'exécutera et qui par la fabrication, par l'activité de l'homo faber sera transformé en un objet-du-monde. Le caractère ouvrier du travail intellectuel n'est pas moins dû à l' « oeuvre de nos mains » que toute autre espèce d'ouvrage. La Condition de l’homme moderne (1958), Chap. III, §1, tr. G. Fradier, Pocket, pp. 135-136. Indications de lecture :La suite de ce texte est sur le site. Voir la liste. Réflexions sur le Travail.
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