Textes philosophiques

Shri Aurobindo      critique de l'utilitarisme


   "C'est dans notre être éthique qu’apparaît le plus volontiers la vérité profonde de la vie pratique et son vrai caractère pratique le plus haut. L’homme rationnel a bien essayé de réduire la vie éthique, comme tout, le reste, à une affaire de raison et de déterminer sa nature, sa loi et son action pratique par un principe rationnel, une loi de la raison, Il n’y a jamais vrai ment réussi, et il ne pourra jamais y réussir vraiment, Ses succès apparents sont seulement les faux-semblants de l’intellect qui bâtit des constructions élégantes et vides avec des mots et des idées, de pures conventions de la logique, des synthèses faites de bribes et de morceaux; en somme, des échecs prétentieux qui s’écroulent au premier contact vigoureux de la réalité. Tel fut cet extraordinaire système de morale utilitaire, à bon droit discrédité maintenant, découvert par l’une des intelligences les plus positives et les plus systématiques du djx neuvième siècle, le grand siècle de la science, de la raison et de l’utilité. Heureusement, nous n’avons plus aujourd’hui qu’à sourire de ces erreurs creuses et prétentieuses qui croyaient pouvoir substituer un critère pratique, extérieur et opportuniste, au motif intérieur, subjectif et absolu de l’éthique et réduire l’activité éthique à une jonglerie d’arithmétique morale invraisemblablement scientifique et complètement irréalisable, assez séduisante pour le mental raisonnant et logique mais tout à fait fausse et étrangère à l’instinct ou à l’intuition de l’être éthique. Également faux et irréalisables sont les autres efforts de la raison pour expliquer et réglementer le principe de l’éthique et ses phénomènes, telle la théorie hédoniste qui ramène toute vertu à un plaisir et à une satisfaction mentale du bien, ou la théorie sociologique qui suppose que l’éthique n’est rien autre qu’un système de formules de conduite nées du sens social ou une réglementation dirigée des impulsions sociales, et qui voudrait régler les activités morales selon cette norme insuffisante, L’être éthique échappe à toutes ces formules il est à lui sa propre loi et il trouve son principe dans sa propre nature éternelle, qui, essentiellement, n’est pas un produit du mental en évolution — quoiqu’il puisse en sembler dans son histoire terrestre — mais une lumière issue de l’idéal, un reflet du Divin dans l’homme".

Le Cycle humain, Buchet-Chastel, p. 224-225.

Indications de lecture:

La critique se poursuit de manière très détaillée dans la suite du texte. Se souvenir qu'Aurobindo brasse une immense culture, il est au fait de tout ce qui peut se publier à son époque.  Il lisait plusieurs langues dans le texte.

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