Textes philosophiques

Shri Aurobindo   Héraclite et la tension des contraires


   Non seulement il y a la guerre entre un être et un autre, entre une force et une autre, mais à l'intérieur de chacun il y a une opposition éternelle, une tension des contraires, et c'est cette tension qui crée l'équilibre nécessaire à l'harmonie. L'harmonie donc est présente, car le cosmos même, dans son accomplissement, est une harmonie ; mais c'est parce que dans son processus le cosmos est guerre, tension, opposition, équilibre d'éternels contraires. Il ne saurait exister de véritable paix, à moins que par paix l'on entende une tension stable, un équilibre de pouvoir entre des forces hostiles, une sorte de mutuelle neutralisation d'excès. La paix ne peut rien créer, rien maintenir, et la prière d'Homère que la guerre périsse d'entre les dieux et d'entre les hommes est une monstrueuse absurdité, car cela signifierait la fin du monde. Il peut y avoir périodiquement une fin, non par la paix ou la réconciliation, mais par une conflagration, par une attaque du Feu, to pur epeltore, un jugement fulgurant et une condamnation. La Force a créé le monde, la Force est le monde, la Force par sa violence maintient le monde, la Force mettra fin au monde - et le recréera éternellement.

     Héraclite est le premier et le plus conséquent des maîtres qui ont enseigné la loi de la relativité; elle est le résultat logique de ses conceptions philosophiques primordiales. Puisque tout est un en son être et multiple en son devenir, il s'ensuit que toutes choses, en leur essence, doivent être une. La nuit et le jour, la vie et la mort, le bien et le mal, ne peuvent être que des aspects différents de la même réalité absolue. En fait, la vie et la mort ne font qu'un, et nous pouvons dire, selon le point de vue auquel nous nous plaçons, que toute mort n'est que processus et transformation de la vie ou que toute vie n'est qu'activité de la mort. En réalité les deux sont une seule énergie dont l'activité nous présente une dualité d'aspects. D'un certain point de vue nous ne sommes pas, car notre existence n'est qu'une incessante transformation d'énergie ; d'un autre point de vue nous sommes, parce que l'être en nous est toujours le même et soutient notre identité secrète.

De la Grèce à l'Inde, Héraclite, p. 58-59.

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