Textes philosophiques

Shri Aurobindo       le spirituel n'est pas une forme de conscience collective


       Mais ce Moi cosmique est spirituel, tant en essence qu'en expérience; il ne faut pas le confondre avec quelque existence collective ni quelque âme de groupe, ni avec la vie et le corps d'une société humaine, ni même avec l'espèce humaine tout entière. La subordination de l'ego au progrès et au bonheur de l'espèce humaine est, de nos jours, l'une des idées favorites de la pensée et de l'éthique du monde; mais c'est un idéal mental et moral, non un idéal spirituel. Car le progrès de l'espèce est fait d'une série de vicissitudes mentales, vitales et physiques constantes ; il n'a pas de contenu spirituel stable et n'offre aucune base solide à l'âme de l'homme. La conscience de l'humanité collective est seulement la somme des ego individuels, ou une version plus large et plus complète de l'ego individuel. Faite de la même substance, coulée dans le même moule de la nature, elle ne recèle pas une lumière plus grande, pas une perception d'elle-même plus éternelle, pas une source plus pure de paix, de joie et de délivrance. Au contraire, elle est encore plus torturée, plus tourmentée et obscurcie, et certainement plus vague, plus confuse et moins apte au progrès que l'ego individuel. À cet égard, l'individu est plus grand que la masse et l'on ne peut pas le sommer de subordonner ses possibilités plus lumineuses à cette obscure entité. Si la lumière, la paix, la délivrance et une existence meilleure doivent venir, il faut qu'elles descendent dans l'âme, qu'elles viennent de quelque chose de plus vaste que l'individu, mais aussi de quelque chose de plus haut que l'ego collectif. L'altruisme, la philanthropie, le service de l'humanité sont, en soi, un idéal mental ou .., moral, non une loi de la vie spirituelle. Si, au but spirituel, vient s'ajouter une impulsion à l'abnégation du moi personnel ou à servir l'humanité ou le monde dans son ensemble, cette impulsion ne vient pas de l'ego ni du sens collectif de l'espèce, mais de quelque chose de plus occulte et de plus profond qui transcende l'un et l'autre; car elle se fonde sur le sens du Divin en tout, et ce n'est pas pour l'amour de l'ego ni de l'espèce qu'elle oeuvre, mais pour l'amour du Divin et de ses desseins en la personne collective, le groupe ou l'homme en général.

La Synthèse des Yoga, vol II, Buchet-Chastel, p. 113-114.

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