Textes philosophiquesBernard Bourgeois le retour de la Nature dans l'Histoire"La politique, d’abord (par son but) politique, de l’histoire passée a pu se déployer sur la base d’un rapport assuré, ne faisant plus au fond vraiment problème, à une nature certes résistante en sa passivité générale, mais maîtrisable et possédable. Or, l’exploitation surtout industrielle de celle-ci a fait surgir à notre époque la grave question écologique, dont les écologistes ne me semblent pas avoir pris toute la mesure. Sans parler d’autres dangers, nucléaire par exemple, l’agir aveugle et imprudent des hommes a suscité la menace de l’épuisement planétaire des ressources énergétiques accessibles ainsi que de la dégradation de la bio-sphère, et, à travers eux, d’une nature rendue hostile ; celle-ci pourrait d’ailleurs se montrer telle aussi en déjouant les interventions humaines, appréhendées par la bio-éthique, sur une espèce privée des fins équilibres conditionnant son humanité. Ces provocations peuvent accélérer le réveil, hélas, à terme, naturellement nécessaire, de la nature à sa violence native, d’une puissance tellement incommensurable avec toute la puissance artificielle des hommes. Hegel, une dernière fois évoqué, et qui rappelle que « la Ciel et la Terre passeront » - et d’abord comme humainement vivables -, voit dans la Terre le vivant élémentaire, fruste et en cela redoutable, simplement endormi, mais dont la veille météorologique de surface peut elle-même déjà se déchaîner ; la « grande chimie de la nature » qu’est pour Hegel le processus météorologique peut bien être le destin de toute la chimie humaine. De la sorte, après l’histoire métaphorique de la nature et de ses catastrophes, puis - celle-là apaisée - l’histoire proprement historique de l’esprit surmontant ses crises dans une nature rabaissée à être son simple milieu, son simple théâtre, voici donc peut-être venu - et le dire n’est pas forcément verser dans la mythologie - le temps du retour offensif de la nature et de la géographie au cœur de cette histoire ".
Communication
présentée en séance publique devant l’Académie des sciences morales et
politiques le 12 décembre 2005.
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