Textes philosophiquesA. Comte-Sponville athéisme et spiritualitéEn effet. Mais l'inverse est vrai aussi : les faits n'arrivent pas toujours à la hauteur des mots. Tout dépend de quoi il s'agit. Il se trouve que mon dernier livre, surtout dans la troisième partie, parle de spiritualité. Qu'est-ce que la spiritualité ? La vie de l'esprit, spécialement dans son rapport à l'infini, à l'éternité et à l'absolu. La spiritualité a donc le même objet que la métaphysique. Mais la métaphysique est un travail de pensée, qui se fait avec des mots, des raisonnements, des concepts. La spiritualité relève davantage de l'expérience : elle se nourrit de sensations, d'émotions, de silence. La première est spéculation ; la seconde, contemplation. Je ne fais pas de hiérarchie entre les deux, mais on ne peut pas demander au discours de remplacer quelque chose que l'on ne peut vivre que dans le silence, et réciproquement. Parler d'amour n'a jamais suffi à être amoureux ou à aimer, parler de nourriture n'a jamais suffi à manger à sa faim, etc. L'inverse, j'insiste, est vrai aussi. Être amoureux ou gourmand, cela n'a jamais suffi à bien parler d'amour ou de gastronomie. L'athéisme est avant tout une figure de l'immanence ? Oui. Mais pour l'athée, tout est immanence. La
religion est elle-même une forme d'immanence, qui se prend illusoirement
pour une révélation transcendante. Au fond, être "immanentiste", c'est
penser qu'il n'y a rien d'autre que Tout. Dieu, étant transcendant,
c'est-à-dire "autre que Tout", n'est rien. L'esprit n'existe qu'à
l'intérieur de cette immanence au monde. L'esprit, pour le matérialiste
que je suis, c'est un cerveau humain en état de marche, ou, dans un sens
un peu hégélien, l'ensemble de ce que les cerveaux humains en état de
marche ont produit à travers les siècles. Propos recueillis par Thomas Yadan pour Evene.fr Relu et corrigé par André Comte-Sponville - Janvier 2007. Indications de lecture:
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