Textes philosophiquesÉric Weil chercher la justiceUne sorte d’égoïsme moral cherche à se mettre à l’abri de toute responsabilité dans la réalité et se replie sur une bonne conscience qui, pour rester pure de toute souillure possible, devrait se vider de tout contenu et abjurer tout contact humain. ‑ Nous aurons à revenir sur le problème, en parlant de l’unité et du conflit entre la moralité des intentions et celle de la responsabilité. […] La morale et, en particulier, la justice ne peuvent se réaliser que dans un monde donné, historique. Il ne s’ensuit pas qu’il n’y ait pas de justice sur terre : une telle conséquence n’en découlerait que si l’on se prêtait au paralogisme moraliste, à l’exigence de l’absolu dans l'immédiat. Ce qui, au contraire, en résulte est qu’il y a de la justice dans le monde et que cette justice est plus ou moins proche de la justice de l’universalité, laquelle universalité ne dessine pas un état final, mais définit le critère de tout état présent. C’est devoir de chercher la justice, de la chercher ici et maintenant, et parce qu’il faut la cher cher ici et maintenant, il la faut aussi chercher pour cet ici, et ce maintenant, pour les hommes de ce moment historique, et avec eux. Le monde de la morale est le monde des hommes, êtres finis, besogneux, passionnés, raisonnables parce que exposés à la violence intérieure du caractère, du tempérament, de l’arbitraire individuel. Il n’est pas besoin d’une profonde réflexion pour découvrir qu’un tel monde est imparfait. Il semble être plus difficile d’admettre, bien qu’il s’agisse d’une évidence et d’une identité, que la morale n’a de sens que dans un monde de cette espèce et que c’est là ce qui constitue la seule réalité, ou, si l’on préfère, la seule grandeur de la morale, de la justice, de tout devoir, de toute volonté raisonnable. » Philosophie morale, Vrin, 1960, 5’ édition, 1992, p. 85‑86 ;p. 188‑189 ; p. 114 ; p. 139] Indications de lecture:
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