Textes philosophiques
Kant l'universalité
sans concept de la beauté
Le beau est ce qui est représenté sans concepts comme l'objet d'une
satisfaction universelle.
Cette définition du beau peut être déduite de la définition précédente, qui
en faisait l'objet d'une satisfaction indépendante de tout intérêt. En
effet, ce dont quelqu'un a conscience que la satisfaction qu'il en retire
est chez lui-même indépendante de tout intérêt, cela ne peut pas être jugé
autrement par lui que comme contenant nécessairement un principe de
satisfaction pour tous. Dans la mesure, en effet, où cette satisfaction ne
se fonde pas sur une inclination quelconque (ni sur quelque autre intérêt
réfléchi), mais où, au contraire, celui qui porte un tel jugement se sent
entièrement libre quant à la satisfaction qu'il attribue à l'objet, il ne
peut dégager au principe de la dite satisfaction aucune condition d'ordre
personnel et privé, dont le sujet qu'il est serait le seul à dépendre ; et
il doit donc nécessairement regarder cette satisfaction comme fondée sur ce
qu'il peut supposer exister en chacun ; par voie de conséquence, il devra se
croire nécessairement fondé à attendre que tous éprouvent une satisfaction
semblable. Il parlera donc du beau comme si la beauté était une propriété de
l'objet et comme si le jugement était un jugement logique (comme s'il en
constituait une connaissance grâce à des concepts de l'objet), alors qu'en
fait ce jugement n'est qu'un jugement esthétique et n'a pour contenu qu'un
rapport de la représentation de l'objet au sujet, et ce, parce que ledit
jugement présente quand même avec le jugement logique cette ressemblance,
que l'on peut le supposer valable pour tous. Mais cette universalité ne peut
pas non plus remonter à des concepts. Car il n'y a pas de transition
permettant de passer des concepts au sentiment de plaisir et de déplaisir
(...)
Il
faut par conséquent que soit attachée au jugement de goût, avec la
conscience qu'il y a en lui d'être dégagé de tout intérêt, une prétention à
la validité pour tous, sans universalité fondée objectivement, c'est-à-dire
en somme qu'une prétention à l'universalité subjective est nécessairement
liée à ce jugement de goût.
Critique de la faculté de juger,
trad. J.-R. Ladmiral, M. B. de Launay et J.-M. Vaysse, Gallimard, Bibl. de
la Pléiade, t. 2, pp. 967-968.
Indications de lecture :
Cf.
Quelques Leçons d'Esthétique, ch. II.
A,
B,
C,
D,
E,
F,
G,
H, I,
J,
K,
L,
M,
N, O,
P, Q,
R,
S,
T, U,
V,
W, X, Y,
Z
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