Textes philosophiques

Louis Lavelle    inspiration et philosophie


    La philosophie donne une forme rationnelle et humaine à une vérité dont la source est au-dessus de l'homme et même au-dessus de la raison.

Mais elle transforme en ténèbres la lumière divine dès qu'elle entreprend de l'éclairer par une lumière humaine. C'est renverser l'ordre véritable.

   Il suffit de se détacher du corps et de toutes les préoccupations de l'amour-propre pour être dans un état constant d'inspiration et de grâce. La simple purification intérieure réussit à produire toute seule cet effet, car notre essence est toute spirituelle. C'est elle qui reste quand on s'est dépouillé de tout et non point le néant.

   Le difficile n'est pas tant d'entendre la vérité que de s'effacer devant elle et de la laisser parler toute seule. Mais nous voulons en être le héraut et l'interprète et nous y mêlons les vapeurs de l'amour-propre qui ne cessent de l'obscurcir et de la corrompre.

   Le travail intellectuel ne consiste pas à tendre son effort pour inventer quelque idée nouvelle et inattendue, ni seulement à attendre qu'elle vienne nous visiter. Il consiste dans une attention purificatrice qui chasse de la conscience tous les mouvements du désir, toutes les préoccupations du souci et de la vanité, jusqu'au moment où nous trouvons en nous ces pures opérations de la pensée, dont on ne sait, au moment où on les rencontre, tant elles paraissent se faire d'elles-mêmes, si on les découvre en soi comme des choses ou si c'est la volonté qui les produit.

   Conscience et inspiration                  

Il y a une dualité qui est inséparable de la conscience, qui oppose le moi et le monde, de telle sorte que le moi n'est, semble-t-il, que le pur pouvoir de penser et de juger et le monde une matière inerte incapable de lui répondre et de le satisfaire. Mais le moi et le monde se détachent l'un de l'autre à l'intérieur du même Tout, de telle sorte qu'en s'opposant ils doivent s'accorder comme les deux bords d'une déchirure.

Mais c'est au-dessus de la conscience que l'on trouve l'unité qu'elle rompt et qu'elle cherche sans cesse à restituer, comme on le voit dans la spontanéité de la nature, dans les mouvements de l'inspiration ou de la grâce. Le rôle de la conscience n'est pas de les produire ou de s'y substituer, mais seulement de ne point les empêcher et d'en recueillir le fruit.

   Il ne faut jamais solliciter les idées : elles n'acceptent pas d'être forcées. Il nous est assez difficile de savoir les reconnaître et les accueillir quand elles viennent. Et le vide de ma pensée est lui-même creusé par toutes les idées qui m'ont une fois traversé l'esprit et que j'ai laissé passer sans être capable de les retenir.

   Il ne faut jamais méconnaître en soi ce très léger avertissement toujours présent et à peine sensible par lequel j'apprends à discerner le réel derrière l'apparence, la valeur derrière le désir, le vœu secret du cœur derrière tout ce qui peut m'être imposé ou commandé.

   Nul ne manque jamais d'idées. Mais elles ne surgissent pas à propos. Il semble qu'elles se présentent à nous quand nous n'en avons que faire et qu'elles fuient quand nous en avons besoin (quand nous les appelons). Cependant si l'esprit était assez désintéressé et assez pur le besoin naîtrait en lui quand l'idée se présente, de telle sorte que l'idée ne serait jamais sans emploi, ni le besoin sans nourriture.

   La moindre pensée, comment viendrait-elle de nous ? Elle nous est toujours donnée. C'est une expérience, mais spirituelle.

   Être au bord de l'inspiration, où la conscience, au lieu de se refermer sur soi par la réflexion, est en rapport avec la puissance créatrice.

   Se maintenir dans un état permanent d'inspiration c'est-à-dire de réceptivité intérieure pure (non pas d'effort vers l'enthousiasme) de confiance et de foi.

   Trouée et continuité de l'inspiration : instant et temps. Le surréalisme est une théorie de l'inspiration mais qui, pour nier le rôle de la volonté et de la raison, accorde tout au hasard.

   On ne fait rien de grand que si on ne se rappelle rien. Là est l'inspiration qui est le contraire de la mémoire et qui lui est pourtant identique.

   L'inspiration peut être définie comme une subordination du temps à l'éternité qui se réalise dans l'instant par une sorte de rupture de l'ordre du devenir. Il faut être dans un état permanent de rupture.

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