Textes philosophiquesSpinoza Le contingent et le possibleLa possibilité et la contingence ne sont pas des affections des choses. - Il a paru convenable d'ajouter à ces observations sur la nécessité et l'impossibilité quelques mots sur la possibilité et la contingence; car l'une et l'autre ont été tenus par quelques-uns pour des affections des choses, alors qu'elles ne sont cependant que les défauts de notre entendement. Je le montrerai clairement après avoir expliqué ce qu'il faut entendre par ces deux termes. Ce qu'est le possible et ce qu'est le contingent. - On dit qu'une chose est possible quand nous en connaissons la cause efficiente mais que nous ignorons si cette cause est déterminée. D'où suit que nous pouvons la considérer elle-même comme possible, mais non comme nécessaire ni comme impossible. Si, d'autre part, nous avons égard à l'essence d'une chose simplement mais non à sa cause, nous la dirons contingente; c'est à dire, nous la considérerons, pour ainsi parler, comme intermédiaire entre Dieu et une Chimère; parce q'en effet nous ne trouvons en elle, l'envisageant du côté de l'essence, aucune nécessité d'exister, comme dans l'essence divine, et aucune contradiction ou impossibilité, comme dans une Chimère. Que si l'on veut appeler contingent ce que j'appelle possible, et au contraire possible ce que j'appelle contingent, je n'y contredirai pas n'ayant pas coutume de disputer sur les mots. Il suffira qu'on nous accorde que ces deux choses ne sont que des défauts de notre perception et non quoi que ce soit de réel. La possibilité et la contingence ne sont rien que des défauts de notre entendement. - S'il plaisait à quelqu'un de le nier, il ne serait pas difficile de lui démontrer son erreur. S'il considère la Nature, en effet, et comme elle dépend de Dieu, il ne trouvera dans les choses rien de contingent, c'est-à-dire qui, envisagé du côté de l'être réel, puisse exister ou ne pas exister, ou, pour parler selon l'usage ordinaire, soit contingent réellement;"
Pensées Métaphysiques , trad. Charles Appuhn, G.F. p.347.
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