Textes philosophiquesSpinoza qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a une idée vraieQui a une idée vraie sait en même temps qu’il a une idée vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance. [...] Car nul, ayant une idée vraie, n’ignore que l’idée vraie enveloppe la plus haute certitude; avoir une idée vraie, en effet, ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible; et certes personne ne peut en douter, à moins de croire que l’idée est quelque chose de muet comme une peinture sur un panneau et non un mode de penser, savoir l’acte même de connaître; et, je le demande, qui peut savoir qu’il connaît une chose, s’il ne connaît auparavant la chose? c’est-à-dire qui peut savoir qu’il est certain d’une chose, s’il n’est auparavant certain de cette chose ? D’autre part, que peut-il y avoir de plus clair et de plus certain que l’idée vraie, qui soit norme de vérité’? Certes, comme la lumière se fait connaître elle-même et fait connaître les ténèbres, la vérité est norme d’elle-même et du faux. Par là je crois avoir répondu aux questions suivantes, savoir: si une idée vraie, en tant qu’elle est dite seulement s’accorder avec ce dont elle est l’idée, se distingue d’une fausse; une idée vraie ne contient donc aucune réalité ou perfection de plus qu’une fausse (puisqu’elles se distinguent seulement par une dénomination extrinsèque), et conséquemment un homme qui a des idées vraies ne l’emporte en rien sur celui qui en a seulement de fausses? Puis d’où vient que les hommes ont des idées fausses? Et, enfin, d’où quelqu’un peut-il savoir avec certitude qu’il a des idées qui conviennent à leurs objets? À ces questions, dis-je, je pense avoir déjà répondu. Quant à la différence, en effet, qui est entre l’idée vraie et la fausse, il est établi par la Proposition 35′ qu’il y a entre elles deux la même relation qu’entre l’être et le non-être. [...] Par là apparaît aussi quelle différence est entre un homme qui a des idées vraies et un homme qui n’en a que de fausses. Quant à la dernière question enfin : d’où un homme peut savoir qu’il a une idée qui convient avec son objet, je viens de montrer suffisamment et surabondamment que cela provient uniquement de ce qu’il a une idée qui convient avec son objet, c’est-à-dire de ce que la vérité est norme d’elle-même. Ajoutez que notre Âme, en tant qu’elle perçoit les choses vraiment, est une partie de l’entendement infini de Dieu [...] et qu’il est donc aussi nécessaire que les idées claires et distinctes de l’Âme soient vraies, que cela est nécessaire des idées de Dieu”. Éthique (1677), 2′ partie, proposition XLIII, Éd. Garnier-Flammarion, 1965, trad. Ch. Appuhn, pp. 117-118.Indications de lecture:Laurence Hansen-Love : Spinoza fait de l'évidence un critère de la vérité. Est évident, au sens propre (du latin videre, a voir »), ce qui ne peut pas ne pas être vu, ce qui s'impose par sa totale clarté. « La fausseté consiste dans une privation de connaissance qu'enveloppent les idées inadéquates, c'est-à-dire mutilées et confuses.
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