Document : F. Beigbeder
Le délire de la croissance


           Au 8e étage chez Madone, tous les chefs de produit portent des chemisettes rayées et des cravates avec des petits animaux dessus. Le Directeur du Marketing [...] est Alfred Duler. [...] Il est convaincu que le retour de la croissance est une bonne nouvelle alors que la croissance signifie seulement de plus en plus de production vaine, « une immense accumulation de marchandises » (Karl Marx), une montagne d'objets supplémentaires pour nous ensevelir. Il a la Foi. Il l'a appris des Hautes Écoles : en la Croissance tu Croiras. Produisons des millions de tonnes de produits entassés et nous serons heureux! Gloire à l'expansion qui fait tourner les usines qui font grimper l'expansion! Surtout ne nous arrêtons pas pour réfléchir!...

     En gros, leur idée c'était de détruire les forêts et de les remplacer par des voitures. Ce n'était pas un projet conscient et réfléchi ; c'était bien pire. Ils ne savaient pas du tout où ils allaient, mais y allaient en sifflotant — après eux, le déluge (ou plutôt, les pluies acides). Pour la première fois dans l'histoire de la planète Terre, les humains de tous les pays avaient le même but : gagner suffisamment d'argent pour pouvoir ressembler à une publicité. Le reste était secondaire, ils ne seraient pas là pour en subir les conséquences".

Frédéric Beigbeder 99 F, Grasset, 2000. p. 24 et 31.

 


Bienvenue| Cours de philosophie| Suivi des classes| documents| Liens sur la philosophie| Nos travaux| Informations
E-mail :  philosophie.spiritualite@gmail.com