Textes philosophiquesRené Guénon sur le vocabulaire tronqué de la psychanalyse"Il y a certainement bien plus qu’une simple question de vocabulaire dans le fait, très significatif en lui-même, que la psychologie actuelle n’envisage jamais que le « subconscient », et non le « superconscient » qui devrait logiquement en être le corrélatif ; c’est bien là, à n’en pas douter, l’expression d’une extension qui s’opère uniquement par le bas, c’est-à-dire du côté qui correspond, ici dans l’être humain comme ailleurs dans le milieu cosmique, aux « fissures » par lesquelles pénètrent les influences les plus « maléfiques » du monde subtil, nous pourrions même dire celles qui ont un caractère véritablement et littéralement « infernal ». Certains adoptent aussi, comme synonyme ou équivalent de « subconscient », le terme d’« inconscient », qui, pris à la lettre, semblerait se référer à un niveau encore inférieur, mais qui, à vrai dire, correspond moins exactement à la réalité ; si ce dont il s’agit était vraiment inconscient, nous ne voyons même pas bien comment il serait possible d’en parler, et surtout en termes psychologiques ; et d’ailleurs en vertu de quoi, si ce n’est d’un simple préjugé matérialiste ou mécaniste, faudrait-il admettre qu’il existe réellement quelque chose d’inconscient ? Quoi qu’il en soit, ce qui est encore digne de remarque, c’est l’étrange illusion par laquelle les psychologues en arrivent à considérer des états comme d’autant plus « profonds » qu’ils sont tout simplement plus inférieurs ; n’y a-t-il pas déjà là comme un indice de la tendance à aller à l’encontre de la spiritualité, qui seule peut être dite véritablement profonde, puisque seule elle touche au principe et au centre même de l’être ? D’autre part, le domaine de la psychologie ne s’étant point étendu vers le haut, le « superconscient », naturellement, lui demeure aussi complètement étranger et fermé que jamais ; et, lorsqu’il lui arrive de rencontrer quelque chose qui s’y rapporte, elle prétend l’annexer purement et simplement en l’assimilant au « subconscient » ; c’est là, notamment, le caractère à peu près constant de ses prétendues explications concernant des choses telles que la religion, le mysticisme, et aussi certains aspects des doctrines orientales comme le Yoga ; et, dans cette confusion du supérieur avec l’inférieur, il y a déjà quelque chose qui peut être regardé proprement comme constituant une véritable subversion Le règne de la quantité et les signes des temps , Gallimard point, p. 304 sq.Indications de lecture:C''est le chapitre XXXIV "les méfaits de la psychanalyse".
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