Textes philosophiquesRené Guénon l'usage de la psychanalyse est dangereux"Dans ces conditions, il est trop évident que l’usage principal de la psychanalyse, qui est son application thérapeutique, ne peut être qu’extrêmement dangereux pour ceux qui s’y soumettent, et même pour ceux qui l’exercent, car ces choses sont de celles qu’on ne manie jamais impunément ; il ne serait pas exagéré d’y voir un des moyens spécialement mis en œuvre pour accroître le plus possible le déséquilibre du monde moderne et conduire celui-ci vers la dissolution finale. Ceux qui pratiquent ces méthodes sont, nous n’en doutons pas, bien persuadés au contraire de la bienfaisance de leurs résultats ; mais c’est justement grâce à cette illusion que leur diffusion est rendue possible, et c’est là qu’on peut voir toute la différence qui existe entre les intentions de ces « praticiens » et la volonté qui préside à l’œuvre dont ils ne sont que des collaborateurs aveugles. En réalité, la psychanalyse ne peut avoir pour effet que d’amener à la surface, en le rendant clairement conscient, tout le contenu de ces « bas-fonds » de l’être qui forment ce qu’on appelle proprement le « subconscient » ; cet être, d’ailleurs, est déjà psychiquement faible par hypothèse, puisque, s’il en était autrement, il n’éprouverait aucunement le besoin de recourir à un traitement de cette sorte ; il est donc d’autant moins capable de résister à cette « subversion », et il risque fort de sombrer irrémédiablement dans ce chaos de forces ténébreuses imprudemment déchaînées ; si cependant il parvient malgré tout à y échapper, il en gardera du moins, pendant toute sa vie, une empreinte qui sera en lui comme une « souillure » ineffaçable. Nous savons bien ce que certains pourraient objecter ici en invoquant une similitude avec la « descente aux Enfers », telle qu’elle se rencontre dans les phases préliminaires du processus initiatique ; mais une telle assimilation est complètement fausse, car le but n’a rien de commun, non plus d’ailleurs que les conditions du « sujet » dans les deux cas ; on pourrait seulement parler d’une sorte de parodie profane, et cela même suffirait à donner à ce dont il s’agit un caractère de « contrefaçon » plutôt inquiétant. La vérité est que cette prétendue « descente aux Enfers », qui n’est suivie d’aucune « remontée », est tout simplement une « chute dans le bourbier », suivant le symbolisme usité dans certains Mystères antiques ; on sait que ce « bourbier » avait notamment sa figuration sur la route qui menait à Éleusis, et que ceux qui y tombaient étaient des profanes qui prétendaient à l’initiation sans être qualifiés pour la recevoir, et qui n’étaient donc victimes que de leur propre imprudence". Le règne de la quantité et les signes des temps , Gallimard point, p. 309 sq.Indications de lecture:C''est le chapitre XXXIV "les méfaits de la psychanalyse".
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