Textes philosophiques

René Guénon   sur la glorification du travail


         Il est de mode, à notre époque, d’exalter le travail, quel qu’il soit et de quelque façon qu’il soit accompli, comme s’il avait une valeur éminente par lui-même et indépendamment de toute considération d’un autre ordre ; c’est là le sujet d’innombrables déclamations aussi vides que pompeuses, et cela non seulement dans le monde profane, mais même, ce qui est plus grave, dans les organisations initiatiques qui subsistent en Occident  Il est facile de comprendre que cette façon d’envisager les choses se rattache directement au besoin exagéré d’action qui est caractéristique des Occidentaux modernes ; en effet, le travail, du moins quand il est considéré ainsi, n’est évidemment pas autre chose qu’une forme de l’action, et une forme à laquelle, d’autre part, le préjugé « moraliste » engage à attribuer encore plus d’importance qu’à toute autre, parce que c’est celle qui se prête le mieux à être présentée comme constituant un « devoir » pour l’homme et comme contribuant à assurer sa « dignité »  Il s’y ajoute même le plus souvent une intention nettement antitraditionnelle, celle de déprécier la contemplation, qu’on affecte d’assimiler à l’« oisiveté », alors que, tout au contraire,  elle est en réalité la plus haute activité concevable, et que d’ailleurs l’action séparée de la contemplation ne peut être qu’aveugle et désordonnée. Tout cela ne s’explique que trop facilement de la part d’hommes qui déclarent, et sans doute sincèrement, que « leur bonheur consiste dans l’action même », nous dirions volontiers dans l’agitation, car, lorsque l’action est prise ainsi pour une fin en elle-même, et quels que soient les prétextes « moralistes » qu’on invoquera pour la justifier, elle n’est véritablement rien de plus que cela...

       La « glorification du travail » répond bien à une vérité, et même à une vérité d’ordre profond ; mais la façon dont les modernes l’entendent d’ordinaire n’est qu’une déformation caricaturale de la notion traditionnelle, allant jusqu’à l’invertir en quelque sorte. En effet, on ne « glorifie » pas le travail par de vains discours, ce qui n’a même aucun sens plausible ; mais le travail lui-même est « glorifié », c’est-à-dire « transformé », quand, au lieu de n’être qu’une simple activité profane, il constitue une collaboration consciente et effective à la réalisation du plan du « Grand Architecte de l’Univers".

 Initiation et réalisisation spirituelle, p. 83-84, 87.

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