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Textes philosophiquesGeorges Gusdorf une régression intellectuelle
"Nous
sommes les témoins impuissants d'une diminution capitale de l'intelligence ;
un signe banal pourrait être trouvé dans la vogue actuelle de la bande
dessinée, dont l'album tend à supplanter le livre ; on ne lit plus, on
parcourt du regard, en s'abandonnant à la facilité superficielle des images,
qui provoquent les émotions primaires d'une sensibilité à fleur de regard,
prompte à s'exaspérer sous les provocations passionnelles. L'obscénité, la
pornographie s'insèrent tout naturellement dans cet avilissement du sens,
qui invite l'individu à se complaire dans sa propre déchéance. L'abaissement
intellectuel et spirituel de chacun en particulier est concomitant d'une
disqualification globale des relations humaines dans la vie sociale,
politique et économique. Le laisser-aller général du langage et des mœurs
exprime dans son ordre le relâchement de toutes les disciplines ; la
passivité des autorités est la marque d'une impuissance fondée sur la
mauvaise conscience et la mauvaise pensée. Personne n'est responsable, tout
le monde est coupable ; le criminel est plus à plaindre que la victime.
L'irrésolution des bonnes âmes se conjugue avec le laxisme des pouvoirs à
base d'incohérence et d'inconsistance. Rétracation, en complément de Mythe et métaphysique, édition 1984, p. 31-32. Indications de lecture: Cf. Un texte qui est assez lucide sur la confusion de l'intellectualité postmoderne. Mais elle s'exportera très bien aux Etats-Unis en devenant la french theorie, du relativisme généralisé ridiculisé par Sokal et Bricmont. Seul Ken Wilber a su repêcher ce qui est pertinent dans les vues des postmodernes tout en marquant très nettement les limites.
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