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Textes philosophiquesGeorges Gusdorf le langage au seuil de l'humanité
"Un
personnage mis en scène par Diderot dans l'Entretien qui fait suite au Rêve
de d'Alembert, évoque « au Jardin du Roi, sous une cage de verre, un
orang-outang qui a l'air d'un saint Jean prêchant au désert ». Le cardinal
de Polignac, admirant un jour la bête, lui aurait dit : « Parle, et je te
baptise... » Ce mot d'un homme d'Église bel esprit rapporté par un homme de
lettres mécréant porte sans doute plus loin que l'auteur même et le
mémorialiste ne le pensaient. Il s'agissait de mettre en lumière le peu de
distance entre l'animal et l'homme qui se croit tellement supérieur, et
pense augmenter encore sa dignité par la vertu du sacrement. Diderot
découvre ici avant la lettre l'argument que certains darwiniens tireront des
théories évolutionnistes contre les prétentions à l'éminente dignité de
l'homme. De la bête à la personne, la coupure est infime. Il ne manque à
l'animal, en vérité, que la parole. La parole. P.U.F. p. 6-7. Indications de lecture: Un des meilleurs livres de Gusdorf avec La vertu de force. Cf. Recherches sur le langage. Il y aurait cependant beacuoup à redire sur ce texte dans les éclairages apportés par l'éthologie contemporaine qui a mis en évidence une intelligence animale bien plus développée que ne l'admettait les classiques. La socialité des espèces animales est très complexe et maintenant bien établie. Le concept de "propre de l'homme" n'est plus du tout aussi définitif qu'on a pu le croire. Voir par exemple Patrice Van Eersel Le Cinquième Rêve. Le dauphin, l'homme, l'évolution, éditions Grasset, Paris, 1993, (excellent). Voir aussi Le Message des dauphins, Les Animaux thérapeutes.
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