Textes philosophiques

Georges Gusdorf       la véritable force est créatrice


    "Toute force véritable est créatrice ; toute création [66] véritable est une affirmation de force. Celui qui détruit seulement, pour le plaisir de détruire, vandalisme ou Schadenfreude, ne mérite pas d'être appelé fort, car il ne met en oeuvre que les énergies du désespoir et l'instinct de la mort. Le créateur est celui qui apporte au monde quelque chose qui ne s'y trouvait pas encore ; il augmente la quantité des êtres, la richesse des significations, il exerce la souveraineté de la fonction humaine, qui est d'ajouter à la nature et d'accroître la richesse authentique au monde. La faiblesse commence avec le sentiment, lui aussi toujours menaçant, de l'inanité, de la non-nécessité de la vie : « je ne suis bon à rien, et d'ailleurs rien n'est bon à quoi que ce soit. Le monde est vide, et je suis vide comme le monde... » L'être fort se sent justifié ; il se sent appelé à être ; le faible mène une existence incertaine et injustifiée, doutant de soi, doutant d'autrui et de l'univers même, désolé de douter, et ne pouvant se consoler de cette désolation dont il ne peut éviter de se sentir obscurément coupable.

     L'affirmation de la force se situe par-delà les troubles récriminations du sentiment de culpabilité ou du complexe d'échec. De même n'interviennent plus les systèmes de sécurité qui prétendaient mettre l'homme à l'abri de l'événement, le fatalisme, par exemple, et la résignation, ou le pessimisme qui parie toujours que les choses tourneront le plus mal possible : si elles s'arrangent, c'est autant de gagné ; si elles ne s'arrangent pas, fi reste la consolation amère d'avoir tout prévu. Cette politique du pire, quelque peu analogue à celle de l'autruche qui cache sa tête dans le sable, dit-on, pour ne pas voir la réalité telle qu'elle est, est couramment pratiquée par de très grands esprits, comme on le voit dans le cas d'Alfred de Vigny par exemple. La force [67] n'a pas besoin de recourir à de pareils enfantillages pour se rassurer. L'échec et le succès ne sauraient revêtir à ses yeux qu'une valeur toute relative ".

La vertu de force. P.U.F. 1967, p. 66-67.

Indications de lecture:

 Cf.

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