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Textes philosophiquesGeorges Gusdorf quand l'ego revendique la liberté
" L'exaltation
la plus radicale d'une liberté totalitaire se trouve sans doute chez Max
Stirner, qui fut lui-même un des membres du cercle berlinois des
« affranchis ». Son livre, l'Unique et sa propriété (1845) revendique une
sorte d'apothéose du Moi individuel. Car, enseigne Stirner, la liberté n'est
pas susceptible de plus et de moins. Un peu de liberté, ce n'est pas la
liberté. La liberté est un absolu, ou elle n'est pas. C'est pourquoi « rien
n'est, pour Moi, au-dessus de Moi». Aucune concession ne doit être admise :
« On a toujours cru devoir me donner une destination extérieure à moi, et
c'est ainsi qu'on en vient finalement à m'exhorter à être humain et à agir
humainement, parce que Je = Homme (...) Mais Moi, je ne suis pas un « moi »
auprès d'autres « moi » : je suis le seul Moi, je suis Unique. Et mes
besoins, mes actions, tout en moi est unique (...) Ce n'est pas comme Homme
que je me développe, et je ne développe pas l'Homme : c'est Moi qui Me
développe ». Une telle affirmation marque une limite, l'exigence gratuite de
chacun devenant raison suffisante et fondement de vérité Les formules
initiales du livre sont significatives : « Je n'ai basé ma cause sur rien
(...) Je baserai donc ma cause sur Moi : aussi bien que Dieu, je suis la
négation de tout le reste, je suis pour moi tout... » Le néant est le
premier mot de l'oeuvre de Stirner, comme il était déjà le dernier mot de
l'œuvre de Schopenhauer ; il représente en fait l'un des maîtres mots
désormais de l'exigence de liberté, débarrassée de toute norme extrinsèque.
Désormais l'homme libre se veut créateur souverain. La liberté n'est plus
découverte d'un ordre préétabli, mais souveraine invention, l'être humain
s'attribuant une liberté de droit divin. Signification humaine de la liberté. p. 236-238." Indications de lecture:
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