Textes philosophiques

Helvétius         l'éducation fait ce que nous sommes


 La plus forte preuve de la puissance de l'éducation est le rapport constamment observé entre la diversité des instructions et leurs produits ou résultats différents. Le sauvage est infatigable à la chasse ; il est plus léger à la course que l'homme policé, parce que le sauvage y est plus exercé.

      L'homme policé est plus instruit : il a plus d'idées que le sauvage, parce qu'il reçoit un plus grand nombre de sensations différentes, et qu'il est, par sa position, plus intéressé à les comparer entre elles. L'agilité supérieure de l'un, les connaissances multipliées de l'autre, sont donc l'effet de la différence de leur éducation.

     Si les hommes, communément francs, loyaux, industrieux et humains sous un gouvernement libre, sont bas, menteurs, vils, sans génie et sans courage sous un gouvernement despotique, cette différence dans leur caractère est l'effet de la différente éducation reçue dans l'un ou l'autre de ces gouvernements.

      Passe-t-on des diverses constitutions des états aux différentes conditions des hommes ? Se demande-t-on la cause du peu de justesse d'esprit des théologiens ? C'est qu'ils sont, à cet égard, plus soigneusement élevés que les autres hommes ; c'est qu'accoutumés, dès leur jeunesse, à se contenter du jargon de l'école, à prendre des mots pour des choses, il leur devient impossible de distinguer le mensonge de la vérité, et le sophisme de la démonstration.

     Le militaire est, dans la jeunesse, communément ignorant et libertin. Pourquoi ? C'est que rien ne le nécessite à s'instruire. Dans sa vieillesse, il est souvent sot et fanatique; c'est que l'âge du libertinage passé, son ignorance doit le rendre superstitieux.    

Il est peu de grands talents parmi les gens du monde, et c'est l'effet de leur éducation ; celle de leur enfance est trop négligée. On ne grave alors dans leur mémoire que des idées fausses et puériles. Pour y en substituer ensuite de justes et de grandes, il faudrait en effacer les premières. Or, c'est toujours l’oeuvre d'un long temps, et l'on est vieux avant d'être homme. Dans presque toutes les professions, la vie instructive est très courte. Le seul moyen de l'allonger, c'est de former de bonne heure le jugement de l'homme. Qu'on ne charge sa mémoire que d'idées claires et nettes ; son adolescence sera plus éclairée que ne l'est maintenant sa vieillesse. L'éducation nous fait ce que nous sommes... L'esprit et les talents ne sont jamais dans les hommes que le produit de leurs désirs et de leur position particulière. La science de l'éducation se réduit peut-être à placer les hommes dans une position qui les force à l'acquisition des talents et des vertus désirées en eux... (…)

De l'homme, Oeuvres complètes, Éditions Sanson.

Indications de lecture:

     cf.

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